Génération Z : après le télétravail, les jeunes plébiscitent les horaires flexibles
Si les nouveaux venus sur le marché du travail conçoivent désormais le télétravail comme un droit fondamental, certains porte-étendards de cette flexibilité plaident pour une levée du tabou des horaires.
Si les nouveaux venus sur le marché du travail conçoivent désormais le télétravail comme un droit fondamental, certains porte-étendards de cette flexibilité plaident pour une levée du tabou des horaires. Un nouveau combat à mener qui pourrait néanmoins se heurter à des considérations juridiques couplées à la volonté farouche de certaines organisations de
battre le rappel des troupes vers le bureau.
« Il est vital d’être au bureau afin de continuer à rencontrer les gens ». Cette saillie de Nicolas Hiéronimus, directeur général de L’Oréal, lors du Forum économique de Davos a fait couler beaucoup d’encre. Une charge anti-télétravail en règle pour certains, une antienne conservatrice selon laquelle « présentéisme = productivité » pour d’autres, chacun en a pris son parti.
Comme de coutume, la nuance a tendance à s’estomper lorsque l’on aborde ces problématiques inhérentes aux nouveaux modes de travail. Les tenants d’une ligne progressiste hurlent au retour au « monde d’avant » tandis que les plus réactionnaires veulent siffler la fin « de la récréation » et mettre un terme à la « parenthèse télétravail ».
« Les organisations n’ont pas encore compris les bienfaits de « lifework integration »
Samuel Durand, conférencier et auteur d’une trilogie de documentaire
Un dernier ressenti qui résonne à l’oreille de Samuel Durand, conférencier et auteur d’une trilogie de documentaires remarquée sur le futur du travail. « Les entreprises ont perçu, au travers la crise sanitaire, le télétravail comme un passage obligé. Mais dès qu’elles ont eu l’opportunité de revenir à un schéma plus classique, elles n’ont, pour la plupart, pas hésité ».
Chantre du concept de « lifework integration », à savoir un travail qui s’intègre harmonieusement dans la vie quotidienne plutôt qu’une franche rupture entre vie professionnelle et vie personnelle, le vidéaste estime que les organisations « n’ont pas encore compris les bienfaits de ce premier concept ». Ainsi, le travail n’est pas considéré comme une charge mais fait pleinement partie du quotidien. Avec, de facto, des horaires flexibles. Un dernier point qui risque d’animer les conversations. Doux euphémisme.
Briser le tabou des horaires
Si les plus jeunes sont en demande de cette flexibilité, cette problématique n’est pas forcément l’apanage de ces derniers. « Ce n’est pas une thématique estampillée jeune mais intergénérationnelle. D’ailleurs, le véritable problème n’est pas les horaires mais davantage leur rigidité », pointe Jasmine Manet, directrice générale de Youth Forever .
Et la jeune dirigeante de compléter son propos. « Pour en revenir aux jeunes générations, il y a désormais une véritable porosité vie pro / vie perso. « Cela ne les dérange pas d’échanger sur WhatsApp à partir de leur ordinateur professionnel pour répondre à des amis et reprendre le travail tard le soir. Cela ne signifie pas qu’ils veulent travailler moins, non, ils veulent travailler tout autant voire davantage. Mais à leurs conditions ».
Car cette population ne manque pas d’ambitions et nourrit de véritables perspectives de carrière, comme en atteste une toute récente étude dévoilée par l’Apec et TerraNova. En effet, 69 % des jeunes interrogés au sein de cette enquête voudraient exercer davantage de responsabilités professionnelles . Signe supplémentaire de cette implication au travail, 52% de ces jeunes actifs qui n’a pas accédé au statut de manager, aimerait y parvenir dans les prochaines années.
Une motivation passée visiblement inaperçue auprès de leurs collègues plus chevronnés puisque cette même étude met en exergue le fait que 66 % des actifs âgés de 45 à 65 ans estiment que ces jeunes professionnels sont moins investis au travail que leurs ainés.
« Les jeunes ne veulent pas moins travailler, non, ils veulent travailler tout autant voire davantage. Mais à leurs conditions »
Jasmine Manet, directrice générale de Youth Forever
Cette dissonance relance le débat sur la manière dont le travail des plus jeunes – et la flexibilité qu’ils appellent de leurs voeux – sont perçus au sein même l’organisation. « Il y a matière à travailler autour de la problématique de culture d’entreprise et de la confiance . Il faut former les équipes à sortir de l’idée reçue selon laquelle les absents – ceux que l’on ne voit pas – travailleraient moins que les autres », détaille Jasmine Manet.
Toutefois, certaines entités prennent le parti de cette confiance accordée à leurs collaborateurs. « De plus en plus d’initiatives en ce sens, notamment au sein des start-up et entreprises tech, commencent à poindre car elles ne peuvent pas faire autrement pour attirer et fidéliser les talents . A savoir : faites comme vous voulez, peu importe si vous travaillez à cinq heures du matin ou à 22h, l’important est que vous puissiez être présents à certaines réunions et bénéficier ainsi d’une certaine latitude dans la gestion de vos horaires et de vos objectifs », souligne Jean-Baptiste Annat, associé au sein d’Eurogroup Consulting .
Semaine de quatre jours, fausse bonne idée ?
Dans ce contexte, la tentation de la semaine de quatre jours peut-elle s’avérer être le compromis parfait en offrant une flexibilité supplémentaire à ses salariés ?
Pour Anaïs Georgelin, experte des nouveaux rapports au travail et fondatrice de somanyWays, cette initiative a tout de la fausse bonne idée. « Je ne suis pas certaine que la semaine de 4 jours soit la solution miracle parce que je pense que cela reproduit le paradigme actuel des solutions uniformisées dont on a envie de sortir. La vraie aspiration des gens, jeunes et moins jeunes, est de pouvoir s’extraire du carcan du 9h-18h ».
Aussi louable soit-elle cette volonté risque néanmoins de se heurter aux limites de la loi. « Un collaborateur qui choisit ses horaires et qui travaille, par exemple, de 18h à 2H du matin cela pourrait fonctionner du point de vue organisationnel, avec beaucoup de souplesse.
« La vraie aspiration des gens, jeunes et moins jeunes, est de pouvoir s’extraire du carcan du 9h-18h »
Anaïs Georgelin, fondatrice de SomanyWays
Mais juridiquement cela retomberait forcément sur l’employeur et cela dépend aussi du type de contrats et des conventions collectives », ajoute Anaïs Georgelin.
En outre, ce mode de travail « à la carte » pourrait créer des distorsions entre les différentes équipes. « Le risque de ces nouvelles revendications au travail est de tomber dans des tractations individuelles qui, de facto, vont à l’encontre du collectif », précise Jasmine Manet.
Le débat est ouvert et bien malin qui pourra en prédire l’issue.
Par Samir Hamladji