Les entreprises s’arrachent des experts de la donnée et de la cybersécurité. Et de nouveaux métiers émergent au confluent de l’informatique et du marketing.
Déjà première activité d’embauche de cadres dans le secteur privé l’an dernier, les systèmes d’information resteraient largement en tête cette année et concentreraient près d’un cinquième des 271 000 recrutements de cadres envisagés pour 2018 , en hausse de 12 %. Comme chaque année, le Cigref – Club informatique des grandes entreprises françaises − a mis à jour sa nomenclature des métiers.
Dix-neuf fonctions sont détaillées : l’ingénierie, l’intégration et le déploiement système, les sciences des données, et l’architecture des systèmes font partie des qualifications les plus recherchées. Mais pas seulement. Si les recrutements vont bon train, sur le terrain, observe le baromètre SmartLane, les directions conscientes des enjeux d’efficacité opérationnelle se heurtent encore à l’inertie de fonctions plus en retrait, comme les ressources humaines pourtant essentielles au succès du dispositif.
« Les acteurs ne semblent pas s’être mis d’accord sur le rôle de chacun, observe Pierre Schaller, cofondateur de SmartLane. Un palimpseste de métiers en un même lieu ne suffirait donc pas. « Une transformation digitale n’est pas uniquement un plan, des moyens ou des objectifs : ce sont avant tout des hommes et des femmes qui, imprégnés d’une culture d’entreprise digitale, interagissent pour évoluer ensemble vers un nouveau un modèle. Si le projet n’est pas porté par tous, il est condamné à l’échec, poursuit l’ancien cadre dirigeant dans l’innovation. A la loupe, 7 métiers du digital destinés à transformer avec succès les entreprises.
Chief digital officer
Son rôle est essentiel, et les entreprises qui sont dépourvues de CDO mettent tout en oeuvre pour en recruter. Ailleurs, la fonction de cet expert dont la mission est, selon le Cigref, de « définir et de faire appliquer la stratégie de l’entreprise au regard de la valorisation de son patrimoine informationnel » est en cours de normalisation.
« Nous en recrutons beaucoup moins, concède Jacques Froissant, le patron fondateur d’Altaïde, cabinet aux avant-postes du recrutement des professionnels du digital depuis le début des années 2000. « Ceux qui ont été embauchés par le passé par les grandes entreprises sont en place. Et seules les grosses PME, réalisant entre 200 millions et un milliard d’euros de chiffre d’affaires, moins matures sur le plan numérique, sont intéressées par ces profils ou des parcours s’en approchant. »
Souvent rattachée à la direction générale, la fonction requiert cinq ans minimum d’expérience professionnelle. « Au fond, analyse Jacques Froissant, si les directions marketing avaient évolué plus vite et si les DSI avaient été à la pointe, la fonction de CDO n’aurait pas dû exister… »
Rémunération : le chief digital officer peut compter sur une rémunération brute annuelle de 90 000 à 150 000 euros, d’après une étude récente de PageGroup.
Directeur de l’innovation
Le profil idéal pour ce poste ? Un mouton à multiples pattes. « Un professionnel plutôt senior, en veille permanente, capable tout à la fois d’éclairer les équipes exécutives, de garder en ligne de mire l’abaissement du coût d’exploitation et de maîtriser suffisamment les sujets digitaux pour être en mesure de sortir l’entreprise de sa zone de confort, voire de son secteur, résume Marc Pagezy chez Eurosearch & Associés. Aussi bon technicien que communicant, il doit se montrer autant à l’aise avec la direction générale que les troupes opérationnelles.
Rémunération : un salaire annuel brut de 100 000 à 130 000 euros entre huit et quinze ans d’ancienneté professionnelle (plus de 120 000 euros au-delà de quinze ans), selon Robert Walters.
Data protection officer
Le DPO est au coeur du dispositif établi par le règlement général relatif à la protection des données personnelles (RGPD). Pilote de la gestion des données personnelles en entreprise, il est l’unique interlocuteur de la CNIL. Familier des questions juridiques posées par la mise en oeuvre de cette nouvelle législation, il est aussi alerte au plan technique pour pouvoir discuter efficacement avec les informaticiens. Les recruteurs anticipent une forte demande de « juristes câblés technologie ».
Rémunération : entre 35 000 et 50 000 euros de salaire brut annuel pour deux à cinq années d’expérience et entre 50 000 euros et 70 000 euros de brut annuel pour cinq à quinze années d’expérience.
Les métiers de la cybersécurité
Essentiels face au risque avéré de cyberattaques, les analystes en cybersécurité ont pour mission de détecter les menaces en temps réel, de les analyser, de les décortiquer et d’en anticiper les futures évolutions. D’une formation bac + 5 en informatique avec une spécialité en sécurité des SI, ils maîtrisent les outils d’analyse de malwares et sont à l’aise avec la conformité juridique et normative.
Rémunération : les salaires bruts annuels dépassent 70.000 euros pour le responsable sécurité des systèmes d’information et l’analyste cybersécurité de plus de cinq années d’ancienneté. Et s’envolent jusqu’à 200.000 euros par an pour un directeur sécurité des systèmes d’information, selon PageGroup.
Growth hacking manager
C’est à ce métier émergent qu’il revient d’effectuer des tests, des analyses de données et des études sur les comportements des utilisateurs de produits et services, explique le cabinet Blue Search. Doté de ces éléments, le growth hacker peut alors agir pour proposer des solutions innovantes.
« Les très bons sont soit des personnes qui ont des formations marketing classiques, mais qui sont très geek et se sont intéressés à l’acquisition et au référencement, soit des profils tech qui viennent de l’acquisition et du référencement et ont une bonne compréhension du marketing », explique Jacques Froissant, soulignant que les premiers tiennent la corde.
Rémunération : le niveau de salaire brut annuel varie selon les entreprises. Un professionnel junior peut prétendre à 35 000 euros annuels tandis que la rémunération d’un senior entrera dans une fourchette de 45 000 à 65 000 euros, d’après le cabinet Blue Search.
Data scientist
Ce métier a été élu « le plus sexy du siècle » par la « Harvard Business Review ». Incontournable aussi puisque les professionnels qui se lancent dans la filière ont conscience que les données sont devenues l’or noir du XXIe siècle.
Sans data scientist, la collecte d’informations structurées mais aussi éparses et multiformes (son, etc.) ne crée pas de valeur ajoutée. A la fois marketeur, statisticien et mathématicien, ce professionnel exploite les données qu’il recueille pour en tirer des applications d’ordre marketing, améliorer les produits et les services de l’entreprise, et surtout fidéliser les clients.
Rémunération : intéressantes, les prétentions salariales s’étirent, en début de carrière, entre 32 000 et 42 000 euros brut par an.
Creative technologists
Dans les grandes entreprises, ces profils hybrides − qui allient les compétences d’un directeur de création avec celles d’un chef de projet technique − sont directement rattachés à la direction du marketing. « Si vous n’êtes pas en mesure d’appréhender la faisabilité technologique des campagnes marketing Web, vous ne pouvez avoir l’idée créative », relève Jacques Froissant, qui voit passer dans ces nouveaux métiers « des profils malins qui ont appris la technologie sur le tas. »
Rémunération : de 36 000 euros en début de carrière à quelque 55 000 euros au bout de quelques années.
Valérie Landrieu, Delphine Iweins et Marie-Alix Leclerc de Sonis