La Cour d’appel de Paris, la plus importante par le nombre de contentieux en droit social, a validé l’encadrement des indemnités en cas de licenciement abusif. Son jugement est conforme à l’avis de la cour de cassation.
La saga judiciaire du barème des prud’hommes est loin d’être achevée, mais elle vient de prendre une tournure significative qui conforte l’un des marqueurs macroniens les plus polémiques. Statuant sur le cas d’un ex-cadre de la banque Natixis, la cour d’appel de Paris a validé le plafonnement des indemnités versées en cas de licenciement abusif, en dehors des cas de harcèlement ou de discrimination, une des mesures phares des ordonnances de 2017 réformant le Code du Travail.
« La cour a estimé […] que ces dispositions laissent subsister un pouvoir d’appréciation au juge […] de telle sorte que l’indemnisation puisse répondre à la situation particulière du salarié par la prise en compte de critères autres que l’ancienneté », a-t-elle indiqué dans un communiqué, précisant avoir attribué 13 mois de salaire brut au plaignant, quasiment le maximum de ce qu’il était en droit de d’obtenir (entre 3 et 13,5 mois pour 16 ans d’ancienneté).
Freins aux l’embauches
Le gouvernement a toujours défendu l’encadrement des indemnités en arguant qu’il sécurise l’employeur et donc les embauches. Cet encadrement porte au plus haut point le sceau d’Emmanuel Macron, qui avait tenté de l’imposer alors qu’il était à Bercy sous François Hollande. Les fourchettes d’indemnisation vont de 0,5 à 2 mois de salaires pour une année d’ancienneté, à 3 à 20 mois au-delà de trente ans (1 mois max pour moins d’un an).
Après celle de Chambéry, qui avait remis en cause le barème, et celle de Reims qui l’avait conforté tout en laissant la possibilité de s’en affranchir, la cour d’appel de Paris est la troisième à se prononcer sur le sujet. « En hiérarchie judiciaire, elle n’est supérieure à aucune autre, rappelle Stéphane Béal, avocat associé du cabinet Fidal, mais c’est celle qui traite le plus grand nombre de contentieux en droit social. » Son arrêt n’est donc pas neutre. Il l’est d’autant moins « que le jugement reprend de manière rigoureuse les termes de l’avis de la cour de cassation », abonde David Jonin, associé du cabinet Gide Loyrette Nouel.
Vent de l’histoire
Pour rappel, l’assemblée plénière de la cour de cassation a statué, dans un avis rendu mi-juillet, que le barème n’enfreignait pas les traités internationaux ratifiés par la France : ni l’article 24 de la charte européenne des droits de l’homme, qui n’a pas d’effet direct sur un litige dans une juridiction nationale, ni la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce risque de « non conventionnalité » constitue le principal argument des détracteurs du barème, le syndicat des avocats de France et ceux des salariés en tête. C’est celui qui était mis en avant par l’ex-cadre de Natixis.
Avis ne vaut pas arrêt, et la décision de la cour d’appel de Paris ne préjuge pas de la décision de la plus haute juridiction quand sa chambre sociale aura à traiter de son premier dossier, dans deux ou trois ans. A ceci près, souligne David Jonin, qu’elle marque un « infléchissement » par rapport à la décision de la cour d’appel de Reims : celle-ci avait laissé la possibilité de s’affranchir du plafonnement des indemnités pour prendre en compte d’autres critères que l’ancienneté, à charge pour le plaignant de convaincre le juge. « Le vent de l’histoire va plutôt dans le même sens », estime Stéphane Béal, en clair vers une validation définitive du barème.
Prudent, le ministère du Travail a simplement déclaré qu’il « prenait acte » de la décision de la cour d’appel de Paris.
Alain Ruello