Tendance – Depuis plusieurs années, des modes de recrutement alternatifs au traditionnel triptyque « CV + lettre de motivation + entretien » tendent à se développer. Objectif : se concentrer sur les compétences et les savoir-être des candidats, plutôt que sur l’expérience et les diplômes.
Malgré le flot de critiques qu’il essuie à intervalles réguliers, le CV reste la pierre angulaire du recrutement à la française.
Principal vecteur des discriminations à l’embauche :
- qu’elles soient d’âge,
- d’origines,
- voire d’apparence physique s’il comporte, comme le veut l’usage hexagonal, une photo , il contribue aussi à réduire le champ de vision des recruteurs.
Au lieu de privilégier les compétences et le savoir-être, il met en avant les parcours scolaire et professionnel des candidats, et contribue à alimenter les mêmes logiques de recrutement, fondées sur des profils-types, qui nuisent à la diversité des salariés recrutés.
Au-delà de l’anonymisation du CV, qui peut, selon ses partisans, résoudre certains problèmes de discrimination, d’autres modes de recrutement sont possibles pour mettre tous les candidats sur un pied d’égalité. Passage en revue de trois d’entre eux.
1. Recruter par vidéo
Plus qu’ un entretien par vidéo interposée , les plateformes d’entretiens vidéo proposent aujourd’hui un système de sélection des candidats qui promet, outre d’indéniables gains de temps et d’argent, de mettre en avant la personnalité des postulants et une évaluation équitable.
Le principe : le candidat reçoit de la part du recruteur un questionnaire en ligne sous la forme d’une vidéo ; il doit y répondre face caméra dans un temps limité, sans avoir pu se préparer au préalable aux questions, et renvoyer sa vidéo de réponses sur la plateforme. L’application peut, à la demande de l’entreprise, être dotée d’une échelle de notation de la performance du candidat en fonction des compétences et qualités visées, mais aussi des autres postulants. L’analyse des propos et des images est réalisée par intelligence artificielle et compare les réponses avec les éléments de la fiche de poste.
Ces outils digitaux, dont les concepteurs assurent qu’ils permettent aux entreprises de se préserver des biais inconscients en ne tenant pas compte des données sur le genre, l’origine, l’adresse ou autre cause de discrimination, ont toutefois leur part d’ombre : ils peuvent être équipés d’un système de reconnaissance faciale pour décrypter le degré de motivation du candidat selon ses postures et ses rictus. Ils comprennent également des possibilités de partage entre les membres de l’équipe RH et le service concerné par l’embauche, gage d’un process de sélection collaboratif.
2. Recruter par le jeu
Serious games, hackathons, challenges, espace games, tests ludiques… Sous différents styles, la mode du « recrutainment » – mot-valise des termes « recrutement » et « entertainment » – séduit très progressivement les entreprises françaises .
Sans CV ni lettre de motivation, il permet au recruteur de faire coup double : donner une image plus moderne de lui-même grâce à un processus de recrutement atypique et ludique ; et évaluer directement les compétences et les savoir-être des candidats. « Nous avons travaillé avec McDonald’s pour les aider à recruter des employés de restaurant, raconte Camille Morvan, cofondatrice de Goshaba. L’un des jeux consistait à différencier des icônes représentant des frites et un café afin d’évaluer leur temps de réaction. Le but n’était pas de différencier le plus vite possible les deux, mais d’avoir le moins de différence entre le temps de réaction pour identifier les frites, d’un côté, et le café, de l’autre. » Soit exactement ce qui leur sera demandé en conditions réelles, lorsqu’un client passera commande.
3. Recruter par simulation
Evaluer les capacités plutôt que l’expérience et les diplômes, c’est aussi séduit très progressivement les entreprises françaises . La méthode n’est, il est vrai, pas nouvelle. Développée en 1995 par un directeur de l’ANPE (ancêtre de Pôle emploi), elle reste méconnue, mais a, ces dernières années, essaimé et plaît désormais aux entreprises confrontées à un manque de diversité, à un fort turnover ou à une pénurie de candidats, comme Michelin, KFC ou encore Safran.
Conçue conjointement par Pôle emploi et le recruteur, elle suit un cheminement strict : « repérer les habiletés nécessaires à la tenue du poste de travail ; construire des exercices qui permettent d’évaluer les candidats sur ces habiletés précises ; les soumettre à une session d’exercices pour identifier s’ils possèdent les habilités requises ». Tous ceux qui auront atteint un score spécifique, déterminé en fonction de chaque entreprise, se verront alors proposer un entretien de motivation. En moyenne, un candidat sur deux ayant réussi la séance d’exercices est embauché à l’issue de l’ensemble du processus de recrutement.