management

Le Retex, un outil d’analyse du passé et prospectif

Le Retex

Le retour d’expérience permet de tirer des leçons d’accidents passés afin d’améliorer les procédures industrielles dans l’avenir. Il fait appel à l’analyse de l’implicite et à la détection des signaux faibles.

Pour commencer à tirer des enseignements de ces dix-huit derniers mois passés sous Covid , les entreprises devraient multiplier les séances de retour d’expérience . Cette démarche « Retex » vise à mettre au jour des anomalies, autrement dit les écarts positifs ou négatifs à une norme. Elle permet alors à l’organisation, comme à l’individu, d’analyser les échecs ou réussites survenus, puis de se transformer et de s’adapter au mieux à un univers économique évolutif.

Le Retex se pose ainsi en outil de pilotage des changements à venir, notamment en matière de travail et de leadership.

Knowledge management

Depuis les années 1950, les entreprises, essentiellement industrielles, notamment celles devant gérer des situations critiques dans le secteur du transport ou du nucléaire, ont intégré le Retex dans leur panoplie d’outils d’analyse des incidents passés afin de prévenir les risques, mais aussi d’évaluer la faisabilité́́ d’un produit. Cette méthodologie se révélant efficace, d’autres l’ont adoptée notamment pour analyser les compétences acquises.

A la fois rétroviseur et outil prospectif, le Retex s’est intégré aux outils de knowledge management et de l’entreprise apprenante. Le pionnier à y recourir a été le secteur aéronautique . Ses spécialistes se plongent dans les bases d’incidents passés afin de pouvoir détecter, dans les signaux faibles, des faits minuscules, délicats, annonciateurs de potentiels accidents.

Subjectivité et implicite

Au fil du temps, les méthodes de travail se sont affinées. Aujourd’hui, les groupes Retex s’organisent en trois temps. D’abord, la détection des risques, avec la collecte du maximum d’informations sur le déroulement des événements étudiés. Ensuite, la pertinence de chacune de ces données est évaluée afin d’identifier les facteurs générateurs des incidents. Enfin, les données sont exploitées pour bien comprendre les causes et le mécanisme d’apparition de l’événement. Ainsi, dans cette entreprise industrielle, une inondation a abîmé des équipements. Le groupe Retex a alors suivi le cheminement de l’eau et rassemblé les informations sur le fonctionnement des mesures de sécurité dans ce cas précis. Puis, chacune des informations a été analysée pour comprendre comment l’inondation avait pu se produire et pourquoi les mesures de sécurité n’avaient pas répondu comme prévu. Enfin, le groupe s’est demandé comment ces sécurités auraient pu mieux fonctionner.

Ce travail nécessite de séances de brainstorming, au cours desquelles un animateur pousse les participants à sortir de leur zone de confort, avec l’objectif de faire émerger, et accepter, la subjectivité et l’implicite. Des faits essentiels expliquant le déclenchement de l’incident peuvent être enfouis dans l’esprit des collaborateurs, car appartenant tellement à leur quotidien.

Le brainstorming se traduit en un storytelling , qui permet de faire émerger les événements saillants dans toute leur complexité. Car raconter, c’est se souvenir, réveiller et partager des connaissances en les mettant en scène. Travail sur l’information, le Retex ancre des leçons dans les procédures et dans les esprits. Subjuguant les résistances psychologiques, il vise à un changement de mentalité.

Pascal Junghans est président de Cereinec et chercheur au Centre de recherche en gestion (CEREGE, EA CNRS)

 

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