Deux récents arrêts de la Cour de cassation pourraient marquer la fin du laborieux encadrement du régime des clauses d’indexation par les juges.
Si bailleur et preneur peuvent librement fixer le montant du loyer du bail commercial lors de la conclusion du contrat, il n’en est pas de même pour sa révision qui est strictement encadrée par la loi. Il est ainsi prévu que, tous les 3 ans, le loyer d’un bail commercial en cours puisse faire l’objet d’une révision à la demande de l’une des parties, en fonction de l’évolution d’un indice fixé par le contrat, l’indice des loyers commerciaux (ILC) ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT).
Parallèlement à la révision triennale, propriétaire et locataire peuvent prévoir une révision automatique du loyer via une clause d’indexation, qui permet que celui-ci soit modifié selon une périodicité et la variation de l’indice choisi par les parties, sans qu’il soit besoin d’en faire la demande.
Mais la validité de ces clauses a été, de nombreuses fois, remise en question devant les juges et à différents titres : illicéité de l’indice choisi par les parties, variation indicielle ne pouvant entraîner qu’une hausse du loyer… Ces derniers temps, la Cour de cassation s’est penchée sur les problématiques liées à la fixation contractuelle de la périodicité de l’indexation du loyer.
Celle-ci peut en effet créer une distorsion entre la durée s’écoulant entre chaque révision et la période de variation de l’indice prise en compte pour déterminer l’évolution du loyer. Retour sur le traitement, par les juges, de ces distorsions avec Emmanuelle Chavance, avocat au sein du cabinet Opéra Avocats Associés.
Rechercher la cause de la distorsion
Généralement, les parties à un bail commercial ne manquent pas de veiller, lorsqu’ils insèrent une clause d’indexation au contrat, à maintenir une adéquation entre la période de variation de l’indice choisi et la période de variation du loyer.
Mais il n’est pas rare qu’en cours de bail, des éléments viennent rompre cette adéquation et générer une distorsion. En cas de conflit, les juges ont longtemps considéré comme « non écrites » les clauses d’indexation aboutissant à une telle distorsion.
Mais, selon Emmanuelle Chavance, la Cour de cassation semble désormais faire machine arrière : certains éléments de distorsion n’entraînent plus l’irrégularité de la clause d’indexation, comme c’était le cas auparavant. Ainsi, dans deux arrêts récents, du 17 mai et du 13 septembre 2018, la Cour invite à rechercher si la cause de la distorsion tient à une cause intrinsèque à la clause d’indexation (signature d’un avenant au bail par exemple) ou à un élément qui lui est étranger (un élément légal comme le renouvellement du bail, par exemple).
Si la distorsion résulte de la clause elle-même, celle-ci est réputée non écrite. Concrètement, le preneur peut alors demander le remboursement des sommes versées au bailleur en vertu des indexations pratiquées, dans la limite de la prescription quinquennale.
En revanche, lorsque la distorsion a été créée par une circonstance extérieure à la clause, on considère qu’il n’y a pas distorsion et que la clause d’indexation est valide.
« D’autres arrêts sont encore à venir », précise Emmanuelle Chavance, « mais il semble bien que la Cour de cassation soit parvenue au bout de la réflexion sur ce sujet ! ».
Consulter notre storytelling :
Bail commercial # 1 : le lissage du loyer en cas de déplafonnement
Bail commercial # 2 : retour sur les clauses d’indexation
Bail commercial # 3 : précisions sur le loyer variable
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« Réfléchissez bien avant de signer un bail commercial ! »