Réunis le week-end dernier, à l’initiative du groupe IGS pour la quatorzième édition du colloque Dirigeants en Pays d’Avignon, sommités du monde économique, DRH ou encore anciens ministres ont décliné leur vision d’un monde « en pleine bascule ». Et rappeler l’impérieuse nécessité de remettre l’entreprise – et ses acteurs – au centre des débats.
Une ambiance volontairement décontractée propice à la réflexion. Tel pourrait être, en substance, la matrice du colloque « Dirigeants en Pays D’Avignon » (DPA), cornaquée depuis maintenant 14 ans par le groupe IGS, acteur majeur de la formation abritant notamment dans son giron de nombreuses écoles disséminées sur trois campus dans l’Hexagone.
Moins formel que son homologue des « Rencontres économiques d’Aix-en-Provence » se déroulant concomitamment, le colloque « DPA » n’en demeure pas moins un véritable espace de débats, où chacun a pu fourbir ses arguments et ciseler sa perception d’un monde en pleine mutation. Ou plutôt en pleine bascule comme le laisse suggérer l’intitulé officiel de l’événement « le temps des bascules ? ».
« Contrairement à beaucoup de sommets et colloques, nous ne donnons pas de réponses mais nous encourageons les parties prenantes à se poser des questions », explicite Jean-Pierre Hulot, ordonnateur de cette grand-messe. Face à une assemblée composée à 70% – dixit les organisateurs – de dirigeants et de directeurs des ressources humaines (DRH), la première prise de parole est forcément attendue et scrutée.
Invité d’honneur de cette 14e édition, Jean-Dominique Senard , président du conseil d’administration de Renault mais également à la tête de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, va tracer le sillon d’un capitalisme responsable et exhorter l’entreprise à porter sur ses épaules cette notion de sens. Et pour ce faire, cette dernière doit oeuvrer à une véritable transformation managériale, comme nous le détaillera l’ancien dirigeant de Michelin.
« Le manager doit tirer son équipe vers le haut »
« Le manager doit cesser d’être strictement hiérarchique, à savoir commander le matin et contrôler le soir. Il lui faut se muer en un véritable développeur de talents, porter son équipe vers le haut et s’assurer que celle-ci s’épanouisse dans les meilleures conditions ». Un postulat auquel souscrit volontiers l’ancienne ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui filera la métaphore sportive sur cette question du « manager new look ». « Les attentes vis-à-vis du management ont beaucoup évolué et la crise sanitaire a accéléré davantage cette transformation. On attend désormais du manager qu’il embrasse le rôle de coach mais, attention, cela ne veut pas dire qu’il y a moins d’exigence ».
Et d’appuyer son propos. « Le coach est là pour gagner et faire gagner son équipe tout en développant les talents et en donnant davantage d’autonomie et de reconnaissance aux collaborateurs ».
Un changement de paradigme qui ne pourra se faire sans les ressources humaines « grand vecteur de cette nouvelle vision et seules en capacité d’oeuvrer à ce renversement de culture », selon Jean-Dominique Senard et qui font office de « chef d’orchestre devant permettre à chacun de jouer sa partition », pour Muriel Pénicaud, elle-même ancienne directrice des ressources humaines du groupe Danone.
L’entreprise, un tiers de confiance
En dépit d’un auditoire majoritairement constitué d’acteurs du monde de l’entreprise, le groupe IGS a mis un point d’honneur à proposer la vision d’intervenants « avec davantage de recul » sur les problématiques susmentionnées, à l’instar de l’ancienne ministre de l’Éducation et du droit des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem à la tête de l’ONG One en France. Si « elle a pris du champ » ces dernières années, selon ses propres termes, l’ancienne porte-parole du gouvernement de François Hollande œuvre notamment désormais à l’insertion des réfugiés dans le monde du travail.
Najat Vallaud-Belkacem est ainsi convaincue que l’entreprise peut jouer le rôle de tiers de confiance auprès des Français. Une confiance que ces derniers ont de plus en plus de mal à mettre dans les mains du politique. L’occasion de livrer une anecdote issue de son ancienne vie pour étayer son propos.
« Lorsque j’étais ministre des droits des Femmes et que nous œuvrions à la réforme du congé parental, notre action pouvait être perçue comme intrusive et nous pouvions avoir des retours du type ‘mais pourquoi vous vous immiscez dans notre vie privée ?’. En revanche, lorsqu’une entreprise met en place ce genre de dispositif , cela est vu comme un droit supplémentaire ».
« Anoblir le rôle du manager »
Une confiance qui doit néanmoins être cultivée, aux yeux de l’ancienne conseillère municipale de Lyon, à condition de rester en phase avec les aspirations des Français et ne pas se perdre dans la sémantique, autre thématique décortiquée durant le week-end. « Des termes à la mode dans le monde de l’entreprise, comme résilience, cela n’évoque rien aux gens et cela porte préjudice au sens et à la portée du message que vous voulez transmettre. Et si vous perdez les gens, vous ne les récupérez pas ».
Une proximité à laquelle semble particulièrement attaché Jean-Dominique Senard chez Renault. « Nous avons, au sein du groupe, une profonde culture du dialogue et une dimension humaine sur laquelle je ne transigerai jamais ». Avec toujours en bandoulière cette volonté farouche « d’anoblir », selon les termes du dirigeant, la fonction de manager.
Et le mot de la fin, en guise de prophétie, revient à Muriel Pénicaud : « Cela va être passionnant de devenir manager demain ! ».
Par Samir Hamladji