Le vendredi, dernier bastion du monde du travail tel qu’il était avant le Covid ? Les entreprises tentent désespérément d’enrayer la baisse du taux d’engagement qui, selon une étude, a coûté à l’économie américaine 1.900 milliards de dollars en 2023.
Vous connaissiez déjà le « Casual Friday », débarqué tout droit des Etats-Unis : ce jour de la semaine où les cols blancs peuvent abandonner costumes et tailleurs au profit de tenues plus décontractées ; un rituel instauré pour redynamiser cette journée réputée moins productive que les autres. Faites place aux nouvelles formules : « Flow Friday » ou « Focus Friday », que de plus en plus d’entreprises adoptent outre-Atlantique pour dédier une journée – sans réunion ni aucun autre engagement – au bouclage des dossiers entamés.
Loin d’être altruiste, cette mesure tente de contrecarrer l’accalmie du vendredi, raconte Bloomberg. Des chercheurs l’université A&M du Texas, qui ont étudié « l’effet vendredi », ont documenté la baisse de productivité qui y est associée – que les employés soient au bureau ou à distance. L’année dernière, le désengagement au travail a coûté 1.900 milliards de dollars à l’économie américaine, selon Gallup.
Les réunions dans le collimateur
Parmi les autres pistes pour rendre le vendredi plus attractif au travail : des dégustations gratuites de collations sucrées ou de « junk food » au bureau, ou un vendredi après-midi de libre par mois – pour tenter d’accomplir deux fois plus au cours de la matinée. Mais ces tentatives se sont révélées infructueuses.
Steven Fitzgerald, président du Habanero Consulting Group à Vancouver interrogé par Bloomberg, explique que l’interdiction des réunions le vendredi permet à ses équipes de mieux profiter de la journée, tout en remontant le moral des troupes. « Il est facile d’enchaîner réunion sur réunion, et franchement, on ne donne pas à son cerveau l’espace nécessaire pour réfléchir », a-t-il justifié.
La disparition du vendredi après-midi
Certaines entreprises testent aussi la suppression pure et simple du vendredi après-midi, baptisée « Flex Friday ». Mais ces approches ne conviennent pas à tout le monde, déplorent les chercheurs. Les géants de Wall Street vont probablement hausser les épaules, alors que cette mesure pourrait s’avérer efficace, expliquent-ils.
« Nous pourrions obtenir autant de productivité en quatre jours et demi qu’en cinq jours », a assuré Mark Benden, professeur à l’université A&M, à l’agence de presse américaine. « Je ne pense pas que le vendredi soit le jour le plus propice à la réflexion. Et le vendredi après-midi ne nous apporte pas grand-chose. »
Les grandes structures plus frileuses
La plupart des expériences menées sur le lieu de travail après la pandémie ont lieu dans de petites structures, avec des répercussions importantes sur le recrutement et la performance. L’année dernière, la plateforme de commerce en ligne canadienne Shopify a relancé sa croisade contre les réunions inutiles. L’entreprise agroalimentaire américaine JM Smucker a mis en place ce qu’elle appelle « des semaines de base », au cours desquelles les employés sont invités à se rendre au bureau du mardi au jeudi, une semaine sur deux.
D’autres entreprises ont pris le contre-pied de cette tendance : le géant de la livraison UPS et la banque JPMorgan Chase ont par exemple imposé à certains employés de revenir au bureau cinq jours par semaine. De l’autre côté du Rhin, Deutsche Bank interdit à ses équipes de télétravailler le vendredi et le lundi suivant.
Par Neïla Beyler