Le Covid a bousculé bon nombre de codes au travail. Combien de salariés sont prêts à baisser leur salaire pour passer à la semaine de 4 jours ? Combien accordent une place moins centrale à leur travail ? Comment évoluent les codes de la réussite ?
« Travailler plus, pour gagner plus » : le slogan qui a contribué à l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 ne fait plus recette. Aujourd’hui, les Français veulent plutôt « travailler moins, quitte à gagner moins », malgré l’inflation. C’est en tout cas le constat commun de plusieurs études récentes. Ainsi, plus d’un salarié sur trois (36 %) se dit prêt à passer à la semaine de 4 jours en échange d’une perte de salaire de 5 %, selon une étude de Manpower .
Malgré la flambée du coût de la vie , les salariés ont en effet à coeur de préserver leur vie privée, souligne Manpower. Ils sont ainsi 41 % à rechercher un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, selon la note de Manpower. Pour l’atteindre, un tiers (33 %) des travailleurs interrogés envisage même de changer d’entreprise demain.
L’expérience du télétravail encourage aussi les travailleurs à rechercher plus d’autonomie et de flexibilité au travail . Un quart des sondés (25 %) souligne qu’ils souhaiteraient en effet pouvoir bénéficier dans le futur, de plus de souplesse dans l’organisation de leur emploi du temps quotidien, indique Manpower.
Une autre analyse réalisée cette fois par l’Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès dresse des constats similaires. « Nous constatons une évolution des aspirations des salariés avec de nouveaux rapports entre le temps de travail et le temps libre », note ainsi Flora Baumlin, directrice d’études à l’Ifop, co-autrice de l’analyse intitulée « Je t’aime moi non plus, les ambivalences du nouveau rapport au travail ».
Cette évolution se manifeste en France par un renversement des préférences des salariés entre le temps libre et l’argent, note l’Ifop. Si, en 2008, une large majorité (62 %) affirmait préférer gagner plus d’argent au détriment du temps libre, « ces proportions sont rigoureusement inverses aujourd’hui : 61 % des salariés Français préfèrent désormais gagner moins d’argent mais avoir plus de temps libre », ajoute l’institut de sondage.
Les Français en manque de reconnaissance
Résultat, le salaire n’est plus central dans le choix d’un emploi. D’autres critères entrent en considération comme le sens donné à son emploi ou encore l’engagement de l’entreprise.
L’autonomie et la flexibilité deviennent aussi des critères majeurs, souligne l’Ifop. « Le nouveau rapport au travail des Français se manifeste avant tout par sa place moins centrale dans leur vie et s’inscrit dans une transformation globale des symboles de réussite professionnelle », peut-on lire dans la note. En effet, ce sont désormais seulement 21 % des salariés français qui considèrent leur travail comme « très important », contre 24 % l’année précédente.
« Nous ne constatons pas un rejet du travail de la part des salariés français mais un moindre attrait », explique Romain Bendavid, co-auteur de la note d’analyse. « L’un des talons d’Achille est le manque de reconnaissance. Ce sentiment est plus marqué pour les Français que pour les Allemands ou les Britanniques par exemple », ajoute l’expert. En effet, 42 % des salariés considèrent que leur surinvestissement au travail passe inaperçu, selon une étude réalisée pour Solutions Solidaires.
Ainsi, « pour faire face à la pénurie de talents, la compréhension de ces nouveaux besoins des travailleurs est essentielle pour nous permettre collectivement de dessiner le futur du travail. », analyse Alain Roumilhac, président de Manpower France.
Par Mathilde Golla, Dylan Loeb McClain