Les DRH pourraient travailler différemment pour accélérer le changement et définitivement se poser en partenaire stratégique du ou de la CEO, selon Accenture Research.
Que devrait faire une entreprise qui espère une augmentation à deux chiffres de ses gains de productivité ? Combiner à la fois des données, des technologies et des talents, répond une étude quantitative et qualitative mondiale d’Accenture Research.
Intitulée « The CHRO as a growthexecutive », cette enquête a sondé 1.140 dirigeants d’entreprise et directeurs des ressources humaines (DRH) issus de 12 secteurs d’activité et de 12 pays (Allemagne, Australie, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Inde, Japon, Royaume-Uni, Singapour et Suisse). Elle pointe un premier paradoxe : quand nombre de dirigeants jugent essentiel de tout à la fois associer la data et les technologies et d’accorder une place centrale aux employés, seules 5 % des grandes entreprises internationales utilisent efficacement toute la valeur que peut apporter cette combinaison.
Point notable : si l’élément humain d’une telle association vient à manquer, la croissance du chiffre d’affaires par employé chute. « Elle passe alors d’une hausse de 11 % à 4 %. Ce différentiel de 7 points démontre, s’il en était encore besoin, l’urgence à faire prédominer les talents dans l’agenda des directions générales. Preuve que les collaborateurs agissent bel et bien comme des sources de différenciation concurrentielle et de croissance », décode Julien Fanon, directeur exécutif responsable de l’activité Talents &Organization chez Accenture.
Paradoxes
A quelles conditions les entreprises peuvent-elles rejoindre le club des 5 % ? Pour 38 % des sondés, les moteurs de croissance portent sur l’amélioration des performances et de la productivité grâce aux données, aux technologies et à l’intelligence artificielle (IA) ainsi que sur l’accès aux meilleurs talents et la création de pools de compétences (38 %). Une moindre proportion (35 %) insiste sur l’importance d’une meilleure collaboration entre « business units » et 34 % appellent au renforcement du noyau digital de l’entreprise.
« A l’heure où les dirigeants cherchent à accélérer la digitalisation et à accroître la résilience de leurs opérations, à l’heure où les entreprises s’adaptent à de nouvelles méthodes de travail , l’énorme avantage que présente une étroite collaboration de toute l’équipe dirigeante, notamment autour des enjeux de capital humain, est ainsi souligné », insiste Julien Fanon.
Dans cette combinatoire, le rôle du DRH est primordial : 89 % des dirigeants interrogés en sont convaincus. Or, second paradoxe, moins de la moitié d’entre eux (45 %) affirment mettre en place les conditions permettant au DRH d’assumer un tel rôle.
Les DRH du CAC 40 et les autres
La pandémie de Covid a poussé les départements des ressources humaines (RH) à prendre à bras-le-corps l’hybridation des modes de travail. Toutefois, il y a encore un an et demi, une étude du BCG constatait avec stupéfaction que, malgré cela, le digital et l’intelligence artificielle (IA) arrivaient très bas dans le classement des priorités des DRH. A l’époque, seuls 21 % de l’ensemble des managers RH interrogés (16 % en France) estimaient que leur entreprise maîtrisait les outils IA et numériques et un système d’information RH (SIRH) efficace.
« Aujourd’hui, nombre de DRH – ceux du CAC 40 tout particulièrement – se montrent à la hauteur des enjeux », assure Julien Fanon. Mais ce n’est pas encore le cas de tous. Au sein de nombre d’organisations, comme le remarque la consultante Marie-Pierre Fleury interviewée par Management & Data Science, les innovations numériques RH s’empilent encore bien plus qu’elles ne s’articulent entre elles pour s’inscrire dans une stratégie découlant des objectifs et besoins de l’entreprise.
Tous les DRH – certes, en net progrès depuis le Covid – ne savent pas encore concilier les bénéfices à tirer à la fois des données, de la digitalisation et d’un rapprochement avec les collaborateurs dont – avant la pandémie de Covid – ils s’étaient éloignés en raison d’une multiplication de tâches administratives et d’obligations légales et réglementaires.
Ce qui, du reste, ne surprend pas à l’heure, où une autre étude récemment diffusée – celle pour laquelle Salesforce et Tableau ont mandaté l’institut YouGov – fait ressortir que 76 % des dirigeants d’entreprises en France admettent ne pas s’appuyer sur les données pour prendre des décisions stratégiques.
La qualité de la relation avec le ou la DG ou PDG
« Un DRH fortement soutenu par sa hiérarchie disposera des moyens et des conditions nécessaires pour réfléchir, agir au-delà des seules ressources humaines pour devenir un vecteur de croissance », assure EllynShook, DRH Monde d’Accenture. La clé réside donc dans la qualité de la relation entre le ou la numéro un avec le ou la DRH.
Lorsqu’ils disposent de solides compétences, d’un environnement adéquat (une flopée de start-up de la RH tech ne demande qu’à les épauler), les DRH sont près de deux fois plus susceptibles d’associer efficacement les données, les technologies et les talents que leurs pairs dénués de telles conditions, indique Accenture Research. Ils sont aussi quatre fois plus enclins à entretenir d’étroites relations d’influence mutuelle avec l’ensemble de l’équipe dirigeante – PDG comme directeur ou directrice général(e), financier(e), technique (CTO) ou encore des opérations (COO).
Par Muriel Jasor