Mag des compétences - Comundi

Département du Nord : Se former entre pairs

La gestion des ressources humaines obéit à des règles spécifiques dans la fonction publique. Un agent est titulaire de son grade mais pas de son emploi ou de son poste. Les mobilités sont ainsi sécurisées, y compris les changements de métiers qui peuvent s’avérer plus fréquents que dans une organisation semblable, dans le secteur privé. Pour accompagner ce dispositif et le faire jouer à plein, de façon réactive et adaptée, l’apprentissage entre pairs est particulièrement efficace.

Conversation avec Aude Fournier, Directrice Générale adjointe Partenaire et Ressources du Département du Nord, en charge des Ressources Humaines, de la Modernisation, des Systèmes d’information, des Affaires juridiques et des Moyens généraux.

Quel regard portez-vous sur la formation des agents ?

Aude Fournier : La formation est composite. Le socle des compétences techniques et réglementaires est en général enseigné et donc appris par chacun de manière classique, en e-learning ou en présentiel. Mais il ne suffit pas de former ponctuellement les agents puis d’estimer qu’ils sont aptes à exercer leur emploi. Il faut également prendre en compte la notion de compétences, notamment des compétences dites douces, relationnelles ou transférables. Pour les acquérir, l’agent doit être dans une posture apprenante permanente, pour résoudre les problèmes du quotidien, savoir agir, en se tournant si besoin vers ses collègues ou son manager. La formation repose donc également sur l’apprentissage de pair à pair, que ce soit en situation de travail ou de manière plus institutionnalisée, dans le cadre d’ateliers d’échanges par exemple.

IL NE SUFFIT PAS DE FORMER PONCTUELLEMENT LES AGENTS PUIS D’ESTIMER QU’ILS SONT APTES À EXERCER LEUR EMPLOI

Les pairs sont-ils suffisamment experts pour occuper ce rôle ?

A.F. : Vous seriez surpris de voir la capacité d’adaptation des agents ! Le pair à pair fonctionne pour tout : les soft skills que j’évoquais ou les compétences managériales (codev, échanges de pratiques, mentorat…). Mais aussi pour les compétences plus techniques où le geste et la précision sont primordiaux. Pour favoriser ces apprentissages plus ou moins informels, nous avons valorisé un réseau d’experts internes, fondé sur des agents aux compétences reconnues dans leur domaine d’expertise. En cas de questions, de problèmes ou de tensions d’activité, ils sont les interlocuteurs privilégiés de leurs collègues. Pour ce faire, ils sont identifiés et reconnus comme les maillons essentiels d’une solidarité qui se noue dans les équipes, notamment pendant les périodes de crise. Par exemple, une équipe de la DRH a accueilli un cuisiner chef de brigade dans un collège en reconversion vers un poste de référent formation. Il a été accompagné par l’ensemble des collègues de son plateau, mais aussi par le réseau des autres référents formation, avec son expert métier. Apprendre sur le terrain, sur le tas, en arrivant dans un nouveau poste, en général sans formation dédiée préalable, ne signifie pas être livré à soi-même : cela nécessite de l’organisation en amont de l’accueil pour mettre en place un environnement apprenant et sécurisant. Ainsi, il s’est formé par imitation de ses pairs. Il a appris des compétences génériques, mais surtout les précieuses spécificités de la maison. Cela a permis un apprentissage plus réactif et plus efficace que ce qu’il ressort de formations inter ou intra, ou même celles apportées par les formateurs internes, qui interviennent plutôt sur des groupes constitués.

APPRENDRE SUR LE TERRAIN, SUR LE TAS, EN ARRIVANT DANS UN NOUVEAU POSTE, EN GÉNÉRAL SANS FORMATION DÉDIÉE PRÉALABLE, NE SIGNIFIE PAS ÊTRE LIVRÉ À SOI-MÊME

Quelle est la place du droit à l’erreur dans cette façon de faire ?

A.F. : Le droit à l’erreur et à l’expérimentation est fondamental. L’agent doit être dans une relation de confiance avec son manager et oser s’ouvrir, partager ses doutes, questionner ses pairs. Pour ce dernier, il faut savoir doser suivi, contrôle sécurisant et confiance.

LE DROIT À L’ERREUR ET À L’EXPÉRIMENTATION EST FONDAMENTAL

Comment faire face à la mauvaise adéquation entre les compétences d’un individu et les taches qui lui sont demandées, souvent source d’insatisfaction personnelle ?

A.F. : Pour éviter les frustrations, voire les conflits, il est nécessaire d’avoir des profils complémentaires au sein d’une équipe, et pas seulement des personnes qui nous ressemblent. Le rôle du manager est là aussi fondamental, c’est le véritable chef d’orchestre qui gère la disponibilité des compétences mais aussi les personnalités de son équipe. La clé pour lui est d’être capable, par-delà les performances et les talents individuels, de valoriser la performance collective pour embarquer toute son équipe, la faire progresser en amenant chacun à son meilleur niveau. Mais le manager n’a pas vocation à être tout le temps au-dessus de l’épaule de ses agents, aussi les pairs sont-ils essentiels au quotidien, car c’est en échangeant avec eux et en leur demandant des conseils que l’on progresse sur le fond comme sur la forme.

Comment accompagner les managers ?

A.F. : Face à leur variété de métiers et de besoins, nous diversifions les offres d’accompagnement depuis 3 ans, notamment en combinant différentes manières d’apprendre : séminaires, ateliers d’échanges, coaching, dialogue collaboratif… Une mission développement managérial dédiée, hors de la DRH, permet aussi de les accompagner de façon particulièrement réactive tout en co-construisant avec eux l’offre de services de demain, en phase avec leurs besoins. Et dans cette logique de pair à pair, nous avons mis en place, pendant le premier confinement, des cafés virtuels des managers, animés par un formateur facilitateur (dans un vrai décor de café !). Les manageurs ont pu y évoquer leurs difficultés et partager leurs bonnes pratiques face aux évènements. Ils ont d’ailleurs progressivement évolué vers du codéveloppement, en s’autosaisissant de sujets, notamment sur le management à distance ! L’idée est de répondre le plus rapidement et le mieux possible à un besoin quand il se présente, ce que la formation traditionnelle ne nous permet pas, ne serait-ce qu’en termes de délais, de disponibilités et des marchés publics.