Avant d’entrer en poste, pouvez-vous négocier la durée de la période d’essai ? Demander à votre futur employeur de ne pas en effectuer ? En poste, avez-vous le droit de la rompre n’importe quand ? Une juriste répond.
La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences d’un salarié nouvellement recruté et à ce dernier de déterminer si le poste lui convient. Qu’il embauche en CDD ou en CDI, le recruteur peut, s’il le souhaite, décider d’entamer le contrat avec une période d’essai. Voilà ce que les salariés doivent dans ce cas savoir.
Combien de temps peut-elle durer ?
La durée de la période d’essai varie en fonction du statut du salarié et du type de contrat. Chez les cadres en CDI par exemple, elle est de maximum quatre mois, contre un mois en CDD. La convention collective ou le contrat de travail peuvent prévoir des durées plus courtes. Durant ce laps de temps, le salarié perçoit la même rémunération que celle qu’il percevra une fois cette période écoulée.
Si c’est stipulé dans le contrat, autorisé par la convention collective et que le salarié l’accepte, la période d’essai peut être renouvelée une fois dans le cadre d’un CDI. Les cadres peuvent ainsi passer, au maximum, huit mois en période d’essai. En revanche, pour les CDD, aucun renouvellement n’est possible.
Peut-on négocier sa durée ?
« La période d’essai est effectivement un élément négociable », indique Marion Ledéan-Durel, juriste en droit privé. Evidemment, certains contextes et marchés se prêtent plus à la négociation que d’autres. « Si vous êtes débauché et que votre nouvel employeur souhaite que vous fassiez une période d’essai, vous êtes en position de force et pouvez essayer de le convaincre de ne pas en faire ou d’en réduire la durée » », poursuit l’autrice du livre « Les Règles du jeu au travail » (paru le 13 janvier aux éditions De Boeck Supérieur). A l’inverse, un profil qui évolue sur un marché où la concurrence est rude entre candidats a moins de marge de manoeuvre pour négocier.
En revanche, impossible pour ceux qui voudraient avoir plus de temps avant de s’engager de négocier des périodes d’essai plus longues que celles prévues par la loi.
En tant que salarié, pouvez-vous l’arrêter en cours de route ?
Pendant la période d’essai, le salarié peut rompre son contrat à tout moment, sans avoir à fournir d’explication. S’il n’y a pas de règle qui impose une manière d’annoncer son départ, il vaut mieux le faire par écrit, pour éviter tout litige. Par exemple, par le biais d’une lettre recommandée avec avis de réception ou remise en mains propres contre décharge.
En revanche, le salarié doit respecter un certain délai entre l’annonce de sa rupture de contrat et son départ. S’il est resté moins de huit jours dans l’entreprise, il peut s’absenter 24 heures après avoir prévenu. S’il est resté plus de huit jours, il devra attendre 48 heures. Précision : « Le délai est exprimé en ‘jours calendaires’, c’est-à-dire tous les jours de la semaine, dimanches et jours fériés compris, de sorte que si le salarié informe l’employeur de sa rupture le vendredi, qu’il travaille ou non le week-end, il n’aura pas à revenir le lundi pour effectuer son délai de prévenance, il aura été effectué pendant le week-end ! » fait savoir Marion Ledéan-Durel.
En principe, le salarié qui rompt sa période d’essai n’a pas droit aux allocations chômage ensuite, sauf si sa démission est considérée comme légitime par France Travail (par exemple pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi salarié, ou s’il quitte un emploi repris juste après avoir perdu involontairement son précédent travail). « Dans certains cas, il peut aussi bénéficier d’allocations s’il en percevait avant la période d’essai et qu’il met fin à celle-ci avant 65 jours de travail », précise Marion Ledéan-Durel.
Votre employeur peut-il mettre fin à la période d’essai à tout moment ?
L’employeur peut également mettre fin à la période d’essai en cours de route ou à la fin, sans avoir à expliquer pourquoi. Lui aussi doit respecter certains délais entre l’annonce et le départ. Par exemple, si le salarié a passé entre un et trois mois dans l’entreprise, son employeur devra le prévenir deux semaines avant son départ. Après trois mois d’ancienneté, le salarié doit être informé de son départ au moins un mois à l’avance.
La rupture doit être liée à ses compétences. Si le collaborateur est convaincu que son employeur cesse la période d’essai pour d’autres raisons (par exemple un motif discriminatoire), il peut saisir le conseil des prud’hommes.
« Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié peut toucher des allocations chômage sous certaines conditions, car sur le principe, toute personne privée ‘involontairement’ d’un emploi peut bénéficier du chômage. Sous conditions, car il faut avoir travaillé un certain nombre de jours pour y prétendre (au moins 65 jours ou 455 heures et sous conditions en 2024) », fait savoir Marion Ledéan-Durel.
En revanche, si à l’issue de la période d’essai, salarié et employeur sont d’accord pour poursuivre le contrat, cela se fait automatiquement.
Si vous étiez déjà dans l’entreprise, l’employeur peut-il changer votre contrat et vous ajouter une période d’essai ?
Après un stage, une alternance, ou un CDD, les employeurs peuvent proposer un nouveau contrat à leurs salariés, sous une autre forme. Ont-ils le droit d’ajouter une période d’essai, alors même qu’ils ont déjà exercé avec le salarié ? « Dans la mesure où la période d’essai doit permettre de tester les compétences du salarié côté employeur, il y a plusieurs situations possibles. Tout dépend du statut du salarié et de si les activités qui seront exercées sont les mêmes que celles qui lui avaient été confiées avant », développe Marion Ledéan.
Si un salarié passe de CDD à CDI, la durée du CDD doit être déduite de la durée de la période d’essai possible en CDI. Même chose pour un stagiaire qui serait embauché au même poste que celui qu’il occupait, dans la foulée de son stage.
Chloé Marriault