Strictement professionnalisantes à l’origine, les écoles de commerce françaises ont mis le cap sur la recherche, sous la pression des classements internationaux, mais elles « reviennent à un peu plus de pragmatisme », indique Loïck Roche, le directeur général de Grenoble Ecole de Management (GEM).
Aujourd’hui, deux des grands enjeux des établissements sont de « développer la capacité à accroître leurs liens avec les entreprises et à travailler avec le réseau d’anciens ou d’alumni, qui sont des éléments essentiels de leur marque », explique le doyen.
« Les grandes entreprises ont muté beaucoup plus vite que la plupart des écoles et sont donc pour elles des sources d’inspiration, poursuit-il. Si j’étais sévère, je dirais que l’enseignement a jusqu’ici peu évolué. Le cadre juridique peut parfois corsetter les expérimentations nouvelles. Par exemple, la légitimité de l’enseignement à distance pour les étudiants qui font un stage long à l’étranger n’est que récente, observe Loïck Roche.
Il y a encore quelques années, analyse-t-il, « notre métier était assez simple. Dans un monde prévisible, nous apprenions aux étudiants à résoudre des problèmes qu’ils allaient nécessairement rencontrer plus tard. C’était l’essence même de notre ingénierie pédagogique.
A présent, dans un monde sans horizon clair _ qu’il leur reviendra d’inventer _, nous devons les former à résoudre des problèmes dont on ne sait rien, par définition. Le développement de compétences doit donc supplanter la transmission de savoirs. Or, développer des « softs skills » [aptitudes comportementales, NDLR], notamment, nécessite un travail de fond conséquent et une approche pédagogique radicalement différente. »
Transformer les cursus et les méthodes
A la direction générale des ressources humaines globales de Schneider Electric, Olivier Blum, ancien étudiant de GEM, valide l’hypothèse : « Le plus difficile, aujourd’hui, pour une entreprise est de pouvoir disposer de collaborateurs agiles au début de leur carrière… et pour les quarante années suivantes. Nous voulons des employés dotés de la capacité de s’adapter et d’apprendre en permanence. » Le diplôme ? « Il permet d’accéder aux entretiens », prévient le DRH. Mais une fois dans l’entreprise, charge à chacun de démontrer sa capacité à « se réinventer » . « Ce phénomène, qui a moins de dix ans, s’accélère », note Olivier Blum. De quoi notamment défendre une plus grande implication des entreprises auprès des écoles. « Les unes ne doivent pas dicter quoi que ce soit aux autres, précise-t-il, mais les entreprises doivent être plus présentes et aider les écoles à ne pas rester en vase clos, et à transformer les cursus et les méthodes. »
Quoi qu’il en soit, les écoles de management et d’ingénieurs ont devancé les entreprises pour revoir leurs critères de recrutement. A GEM, assure Loïck Roche, « nous sommes convaincus que si les entreprises veulent innover, elles ont besoin de profils divers ». L’école a mis sur pied une formation en apprentissage, au début des années 1990, puis une « incubation » de bacheliers issus de quartiers sensibles dans une université partenaire et des parcours pour sportifs de haut niveau. « Les admissions parallèles ont constitué une vraie rupture », souligne le doyen.
Nouveaux dispositifs de stages et d’apprentissage
Le groupe Schneider Electric est, pour sa part, en train de revoir les dispositifs d’entrée en stage et d’apprentissage. « Ils étaient jusque-là gérés pays par pays, en fonction du cycle économique. Et souvent, les jeunes décrochaient un stage parce qu’ils connaissaient quelqu’un dans la maison, confie Olivier Blum. Nous avons décidé de lancer un programme mondial proactif, en adéquation avec l’évolution des écoles. » Cette nouvelle organisation devrait être opérationnelle l’année prochaine.
Sans remettre en question le dispositif des chaires, « exemple typique de la concordance des intérêts des entreprises et des écoles », le dirigeant attire l’attention sur l’attrait des groupes pour impliquer directement les étudiants dans des projets d’entreprise. Lui-même a ainsi, dernièrement, soumis sa « people vision » – en clair sa stratégie pour les ressources humaines de l’entreprise – à une vingtaine d’entre eux à travers le monde.
Valerie Landrieu