Ressources humaines

Emploi des cadres : « la fête est finie »

Le recrutement des cadres

Les recrutements de cadres ont baissé de 8 % en 2024. Ils devraient passer sous la barre des 300.000 en 2025, estime l’Association pour l’emploi des cadres.

Au début de 2024, lorsque l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) avait interrogé les employeurs sur leurs intentions d’embauches, ces dernières s’affichaient encore en progression de 2 %. « On avait été surpris de voir des prévisions aussi optimistes », rappelait le directeur général de l’Apec, Gilles Gateau, à l’occasion de la présentation du bilan 2024 et des perspectives 2025 de l’emploi cadre.

Mais la réalité a été toute autre. « Après près de 10 ans de montée continue des embauches [à l’exception de la période du Covid], on a assisté l’an dernier à un retournement de tendance », a souligné le patron de l’Apec, résumant par une phrase choc la situation : « la fête est finie ».

Une évolution à mettre en lien avec celle de l’investissement

Les recrutements de cadres ont chuté de 8 % par rapport à 2023. Une évolution à mettre en lien avec celle de l’investissement, à laquelle ils sont très corrélés. Le niveau demeure légèrement au-dessus de 300.000 (303.400, précisément), ce qui reste « élevé », note Gilles Gateau. Et la tendance est toujours haussière, comme chaque année depuis 1991, traduisant la poursuite du changement de structure de l’emploi salarié privé.

Si, déduction faite des démissions, licenciements et départs en retraite, l’année dernière s’est soldée par de nouvelles créations nettes de postes cadres – quelque 70.000 -, c’est notamment grâce à la poussée du taux de promotion interne, qui a atteint un niveau exceptionnel dans l’industrie. Ce qui suggère un impact positif de la réforme des classifications dans la métallurgie.

Les recrutements des cadres en baisse

2025 a donc démarré sur des bases fragilisées et la tendance à la baisse des recrutements de cadres devrait se poursuivre cette année, selon l’Apec. Mais les voyants ne sont pas au rouge vif. « Le retournement continue mais de façon moins marquée », à -4 %, résumait Hélène Garner, la nouvelle directrice des données et études de l’Apec, soulignant que leur volume devrait passer « la barre symbolique des 300.000 ».

Ces chiffres sont cependant à prendre avec précaution, au vu du décalage constaté en 2024 entre les intentions et les réalisations. D’autant que l’Apec a réalisé son enquête avant la hausse spectaculaire des tarifs douaniers déclenchée ce jeudi par le président américain Donald Trump. Ils pourraient se révéler trop optimistes.

En tout cas, ils révèlent une tendance très générale au ralentissement : « Aucun secteur ni aucune région n’enregistreraient de rebond de leurs recrutements de cadres en 2025 », note l’Apec. Le renversement est particulièrement notable dans le secteur des services dits à forte valeur ajoutée (informatique et télécoms, ingénierie et R&D, banque et assurance, activités juridiques, comptables et de conseil, communication et médias). Les embauches y avaient atteint un niveau record, à plus de 180.000, en 2023. Elles ont chuté de 10 % en 2024 et devraient encore baisser en 2025, même si c’est à un rythme moindre (-3 %), selon l’Apec.

Le recrutement des cadres prévus en 2025

La tendance est la même dans l’industrie, avec -7 % en 2024 et -3 % anticipés en 2025, comme dans le commerce (-5 % après -7 %) tandis que 2025 devrait ressembler à 2024 dans les services hors haute valeur ajoutée (santé et action sociale ainsi qu’hôtellerie-restauration et loisirs principalement). En revanche, dans la construction, cette année s’annonce pire que la précédente avec une diminution de 7 % après -2 %.

Les informaticiens resteront pour leur part les plus demandés mais en recul pour la deuxième année consécutive. « C’est la première fois depuis 2009 (hors crise sanitaire) que cette fonction cadre subit une telle contraction », souligne l’Apec, pointant à la fois « l’attentisme lié aux aléas politiques et budgétaires et la chute de l’investissement ».

Renversement du rapport de force

Comme à chaque contraction du marché, ce sont les débutants et les plus expérimentés qui seront le plus impactés. « Le renversement du rapport de force sur le marché du travail rend les entreprises moins enclines à faire des concessions sur le profil des cadres recrutés », souligne Hélène Garner.

Les jeunes entrant sur le marché du travail, déjà fortement impactés par le coup de frein de 2024 (-19 %), seront encore moins nombreux à accéder à un emploi cadre (-16 %), avec le risque d’un « effet cicatrice » sur la suite de leur carrière, souligne la directrice des études de l’Apec. Les perspectives d’embauches de cadres de plus de 10 ans d’expérience vont se réduire de 11 %.

Alors que le relèvement de l’âge légal de départ en retraite a déjà commencé à allonger les carrières, les employeurs rechignent manifestement à en tirer les conséquences. Selon une étude de l’Apec réalisée en mars, 60 % des ETI et grandes entreprises déclarent ne pas avoir fait évoluer leur politique RH vis-à-vis des seniors ; une proportion de 80 % dans les PME. « Le verre est loin d’être plein », regrette Gilles Gateau.

Par Leïla de Comarmond

 

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