Pour le général Vincent Desportes, les dirigeants sont des orchestrateurs de compétences. Diriger n’est pas contraindre, c’est obtenir.
A quoi sert d’être un pro du marketing, du contrôle de gestion ou de la manœuvre des divisions blindées si l’on est inapte à mettre des équipes en mouvement ?
Ce qui compte, c’est moins le leader lui-même et son charisme que son talent à modeler l’environnement. L’être humain est capable du meilleur s’il est placé dans les conditions de le produire. Ce ne sont pas les généraux qui gagnent les batailles, mais les soldats.
Ancien directeur de l’Ecole de guerre et spécialiste des affaires stratégiques et militaires, le général Vincent Desportes en sait quelque chose. Lui qui, des guerres napoléoniennes au débarquement américain sur les plages normandes, illustre dans ses ouvrages les liens entre stratégie militaire et politiques managériales de l’entreprise.
Interaction humaine, non mathématisable
Être chef, c’est préparer et conduire une action qui se développe dans des circonstances toujours nouvelles.
En tant que dirigeant, vous avez trois rôles – intellectuel, matériel et moral – , que votre domaine d’action soit économique, entrepreneurial, politique ou militaire. Votre leadership se déploie dans la complexité. L’univers stratégique vous plonge dans l’interaction humaine, non mathématisable, donc dans l’incertitude.
Puisque la rationalité parfaite est illusoire, c’est à l’affect que le leadership doit s’adresser, bien davantage qu’à l’intellect. Dès qu’elle est prise, une décision produit des effets irréversibles. Avancez malgré le brouillard !
Convergence et engagement
N’espérez jamais forcer l’engagement, façonnez-le en contexte. Ne dites pas, faites ! Il s’agit de créer l’automotivation des collaborateurs. L’humain est individualiste.
En revanche, il en faut peu pour lui faire oublier son intérêt et le conduire à s’engager au nom de quelque chose qui le dépasse. En management, l’erreur commune est de confondre commandement et contrôle.
L’abondance des règles donne l’illusion de la sécurité plus qu’elle n’en produit. Passé un stade vite atteint, la multiplication des directives et des normes entraîne leur contradiction.
Diriger n’est pas contraindre, c’est obtenir. Vous devez être des orchestrateurs de compétences.
Le « coup d’après »
Pas de collectif sans respect mutuel. L’individu n’abandonne pas sa personnalité à l’instant où il passe la porte de l’entreprise ou de la caserne. Sentez ce que sont vos collaborateurs en dehors de leur monde professionnel, devinez leurs espoirs et leurs ambitions.
L’Homme est un animal de meute animé par un besoin du groupe, générateur de motivation, de créativité et de sécurité. La cohésion est la condition du succès des armées. Rites et symboles sont le langage de l’appartenance. C’est la conscience partagée qui favorise le succès collectif.
Les Américains prônent la culture du « speak up », de libre expression des désaccords comme source de richesse pour l’entreprise. Elle contribue à favoriser la bonne décision. Et bien sûr, sans confiance, pas d’initiatives.
Restez focalisé sur l’objectif, et non sur les détails de la mission. Votre rôle est de vous préoccuper du « coup d’après ».
« Devenez leader », par le Général Vincent Desportes (Odile Jacob), 248 pages, 23,90 euros.
Par Régine Turmeau