Longtemps engoncées dans un modèle organisationnel exclusivement dévolu à la performance financière, certaines entreprises prennent le parti de miser tout autant sur le capital humain, selon une étude internationale diligentée par le cabinet de conseil McKinsey.
Concentrer ses efforts sur le capital humain autant que sur la performance financière. Un dispositif gagnant-gagnant, selon une étude parue concomitamment à l’ouverture des rencontres économiques d’Aix-en-Provence, ce vendredi 7 juillet. Et cornaquée par le cabinet de conseil McKinsey, qui a analysé les résultats de 1.800 grandes entreprises dans 15 pays. Désignées sous le vocable « organisations à double focale », les entreprises parvenues à ce subtil équilibre, mais dont la représentativité demeure à ce jour encore faible (9%) – ou à fort potentiel, c’est selon – tirent clairement leur épingle du jeu.
« Ces entreprises valorisent le management inclusif, l’innovation collaborative, la formation et la mobilité interne. En plus d’être plus rentables, plus stables et plus résilientes, elles disposent de tous les atouts pour devenir de véritables champions mondiaux », explicite Clarisse Magnin-Mallez , directrice générale de McKinsey en France. Et de compléter : « Ces entreprises à double focale ont également une fidélisation de leurs talents plus forte et un taux d’attrition plus faible ». Un coup de semonce à l’endroit de la « majorité silencieuse » et des organisations dites conventionnelles, focalisées sur les seuls résultats, qui représentent plus de la moitié (55%) des entreprises sollicitées au sein de cette enquête.
Des chiffres éloquents
« Les organisations conventionnelles ne sortent guère du rang et ne sont pas parmi les meilleures – que ce soit sur le plan de la performance financière ou du capital humain », décrypte la dirigeante. Un « ventre mou » qui souffre de plus en plus de la comparaison avec les entreprises à double focale comme en atteste les données recensées dans l’étude.
Ainsi, les entreprises à double focale disposent d’une probabilité 4,3 fois plus élevée de se maintenir durant au moins 9 années sur 10 dans le premier quintile de performance financière. Elles ont également enregistré – entre 2019 et 2021 (au plus haut de la pandémie de coronavirus)- une croissance deux fois plus importante de leur chiffre d’affaires que les entreprises dites conventionnelles.
Le volet humain n’est évidemment pas en reste puisque ces entités à double focale enregistrent le plus faible taux de départs volontaires (5 points de pourcentage d’attrition en moins que les entreprises focalisées sur les résultats). En outre, 35 % de leurs collaborateurs bénéficient d’une vraie progression de carrière et de rémunération, soit 30 % de plus que les entreprises focalisées sur les résultats. Et si, comme susmentionné, la proportion de ces organisations, à l’échelle mondiale, demeure encore faible (9%), elle est néanmoins près de 5 fois supérieure à la moyenne française qui s’élève péniblement à 2%
Un véritable potentiel pour la France
« Ce qui est contre-intuitif, c‘est que le cadre réglementaire en France n’est pas garant de la prise en compte du capital humain », déplore la patronne de McKinsey en France. Mais, plutôt que de s’attarder sur des pourcentages, la dirigeante préfère mettre en exergue le potentiel de notre territoire. « Il est prometteur, car nous avons en France, un vivier de talents absolument incroyables et une diversité dont nous devons faire une force ». Il importe aussi de ne pas hésiter à s’inspirer de ce qui vient d’ailleurs, du point de vue notamment de la gestion des talents et de leurs compétences.
L’étude met d’ailleurs en lumière l’exemple de Google et ses pratiques en la matière. Ainsi le géant de MountainView propose à 30% de ses ingénieurs de bénéficier, tous les 18 mois, d’un perfectionnement continu de leurs compétences .
« Ce n’est pas parce vous êtes ingénieur, que vous avez fait de brillantes études que vous allez forcément demeurer pertinent sur les vingt ou trente années à venir », souligne Clarisse Magnin-Mallez. Et de conclure. « L’exemple Google est révélateur, car ce sont finalement les entreprises de la Tech qui investissent le plus dans le capital humain ». A méditer.
A noter
L’étude porte sur environ 1.800 entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions dollars américains (USD). Ces organisations sont issues de tous les grands secteurs d’activité économique et de 15 pays : l’Allemagne, l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, les Etats-Unis, la France, l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni, ainsi que plusieurs pays d’Asie ayant connu une croissance économique rapide ces dernières années (l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, le Singapour, la Thaïlande et la Vietnam).
Par Samir Hamladji