Si elle demeure toujours aussi prisée des salariés et des candidats, la flexibilité au travail conférée par la pandémie de coronavirus amorce une pente descendante selon une étude du réseau social professionnel LinkedIn.
« Sur la totalité des 14 millions d’offres d’emplois publiées sur la plateforme, dans le monde entier, seulement 14% d’entre elles y adjoignent une composante télétravail . Mais ces 14% captent, à elles-seules, 55% des candidatures », souligne, en préambule, Fabienne Arata, directrice France de LinkedIn. Signe supplémentaire, s’il en fallait, que le télétravail garde une cote extrêmement élevée non seulement auprès des candidats, mais également des salariés en poste.
Cependant, la conjoncture économique et sa cohorte d’incertitudes augurerait, selon les principaux enseignements de l’étude du réseau social, menée auprès de 2.900 dirigeants dont 250 en France, une « remise en cause » de certains « acquis Covid ». Soit un « retour en arrière contraint » en matière de développement des compétences (pour 83% des personnes interrogées), de bien-être au sein de l’entreprise (82%) et de flexibilité (82%).
« Pourtant, ce sont les entreprises qui garderont le cap sur ces sujets, ou qui accéléreront, qui ressortiront grandes gagnantes de la guerre des talents », martèle la responsable France du réseau social. Et de poursuivre son raisonnement : « Tandis qu’à l’inverse, celles qui remettent en question la flexibilité, la formation, le développement des compétences et le bien-être des collaborateurs s’exposent à une démotivation voire à une érosion de leurs talents ».
Concernant la flexibilité stricto sensu, la « hype » télétravail amorcerait-elle (déjà) sa chute inexorable, entrainant, avec elle, d’autres tendances particulièrement mises en exergue durant le pic de la pandémie comme l’équilibre des vies personnelle et professionnelle ou encore l’inénarrable quête de sens ?
Des offres d’emplois en télétravail en nette baisse
Si ces deux dernières thématiques s’avèrent plus difficilement mesurables, force est de constater que les annonces publiées sur LinkedIn arborant le pictogramme « maison » pour signifier que le recours au télétravail est possible se font plus rares, au fil des mois.
En effet, en France, la proportion d’offres d’emplois avec travail à distance publiées sur la plateforme, en avril 2022, s’élevait à 10%. En septembre 2022, ce pourcentage était réduit de presque moitié atteignant péniblement les 6%. De quoi nourrir quelques frustrations chez certains candidats qui ont fait de la question du télétravail un préalable à toute ouverture de négociations. Mais en interne, certains salariés grincent aussi des dents face à ce retour « au monde d’avant » .
Ce fut notamment le cas de Sophia, consultante en relations presse qui a quitté, en octobre dernier, son poste au sein d’une grande agence de communication parisienne ; cette dernière « naviguant à vue », selon la jeune femme, sur la question du télétravail.
« Je suis arrivé chez eux en mars 2020, soit deux semaines avant les premières mesures de confinement. Nous étions, à cette période, en télétravail complet. Par la suite, nous avions eu le choix – de venir ou non- pour finalement se voir imposer deux jours de présentiel, puis trois », explique-t-elle. Des atermoiements qui ont enjoint Sophia, qui souhaite quitter l’Ile-de-France, à « tâter le marché », dans l’espoir de trouver un poste équivalent, agrémenté de davantage de flexibilité.
Le télétravail, arme de négociation
Finalement démarchée… sur LinkedIn par la fondatrice d’une agence concurrente, Sophia met, dès le départ, la question du télétravail sur la table. « Je n’exagère pas en disant que c’est la première chose que j’ai souligné, à savoir que ce qui ferait pencher la balance, à salaire égal, serait de ne pouvoir être en présentiel qu’un jour par semaine ».
Son interlocutrice lui proposera davantage, sur la base d’un engagement ferme : à savoir la signature de la charte de télétravail mise en place par l’entreprise lui permettant de ne venir qu’un seul jour par mois. Du « pain béni » pour Sophia qui n’en attendait pas tant. Si elle demeure en bon termes avec son ex-employeur, elle peine néanmoins à saisir la vision, sur cette question, de ce dernier.
« A leurs yeux, il était important de se voir, physiquement, pour maintenir la cohésion d’équipe. Or, et nous l’avons vu pendant le pic de la pandémie, il était possible de maintenir cette cohésion à distance. Et nous n’en étions pas moins soudés, bien au contraire ». Et de déplorer une approche « vieille école » de son ancien employeur, qui estime que le collaborateur est moins efficace en télétravail.
Plusieurs entreprises souscrivant à ce point de vue – du moins en privé – et assumant vouloir « leurs collaborateurs sous la main » n’ont néanmoins pas donné suite à nos sollicitations.
Par Samir Hamladji