Face à des salariés plus volatiles et soucieux de leur épanouissement, les entreprises font de la rétention des talents un enjeu prioritaire. Et si la formation professionnelle était une réponse pertinente pour le relever ?
Pour le savoir, nous avons lancé en septembre 2022 une enquête à l’échelle nationale à destination des professionnels RH et des salariés. Les résultats montrent que plus d’une entreprise sur deux a connu une vague de départs depuis la crise sanitaire. Et la grande majorité des professionnels RH craignent que cet épisode se répète dans les mois à venir. De l’autre côté, les salariés sont près de 50% à penser à démissionner.
À quoi les talents aspirent-ils ? Quelle est la place de la formation professionnelle dans leur changement de carrière ? Quel est l’état des lieux de la démission depuis la crise sanitaire ? Quelles actions les entreprises mettent-elles en place pour fidéliser les collaborateurs ? Et quelle est la place de la formation professionnelle dans leur stratégie RH ?
Avec notre enquête, nous vous proposons une lecture croisée des attentes des salariés et de la position des professionnels RH.
Méthodologie et échantillon
Notre enquête a été menée via un questionnaire en ligne diffusé en octobre 2022. L’échantillon compte 481 répondants (salariés et professionnels RH confondus) et se décompose comme suit :
Tranche d’âge
– 32.6% sont des actifs âgés de 46 à 55 ans
– 24.7% sont des actifs âgés de 36 à 45 ans
– 23.5% sont des actifs de plus de 55 ans
– 16.6% sont des actifs âgés de 25 à 35 ans.
Cette variété des âges nous permet d’avoir une représentation complète et équilibrée des actifs.
Secteurs d’activité
Les secteurs d’activité auxquels appartiennent les répondants sont disparates allant de la santé et du médical au conseil et audit. Néanmoins, la plupart des répondants sont des professionnels :
– Des RH et de la formation (24.7%)
– De l’administratif (10.2%)
– De la santé et du médical (7.5%)
À noter que plus de la moitié des répondants n’occupent pas une fonction managériale (57.4%).
Taille des entreprises
La majorité du public appartient à des PME ou des ETI (62%). Le reste des répondants travaillent dans de grandes entreprises (+5000 salariés) ou dans des TPE (12%).
Partie 1 : Les salariés face à la Grande Démission
Des salariés pas vraiment sur le départ, mais majoritairement désengagés
La bonne surprise est que 40% des répondants affirment rester focus sur leur emploi. En revanche, nous constatons que 49% des répondants envisagent ou ont envisagé de démissionner et certains ont d’ailleurs sauté le pas au cours des 12 derniers mois (10%). Le fait qu’une partie des salariés ait songé à quitter leur entreprise, mais ont abandonné cette idée est révélateur d’un désengagement au travail.
Des salariés en quête de sens et d’un meilleur salaire
Concernant les raisons qui les motivent à changer de travail, les salariés citent plusieurs critères.
En haut du podium, on trouve la quête de sens (61.8%). Suis-je en accord avec les valeurs et la mission de l’entreprise ? Suis-je utile à l’organisation ? Ses processus sont-ils nécessaires ? Trouver du sens dans son travail est une priorité pour les salariés.
Le salaire arrive en deuxième position (45.8%). Avec la crise inflationniste actuelle, le pouvoir d’achat d’un grand nombre de français est menacé.
Enfin et sans surprise, la relation avec la hiérarchie (42.7%) et l’ambiance de travail (37.4%) sont aussi importantes pour les collaborateurs. Ces chiffres témoignent du besoin de cohésion d’équipe et de soutien managérial.
Les autres raisons qui motivent les salariés à changer de travail ? – Avoir un poste à plus haute responsabilité (26%) – Besoin d’autonomie (17.6%) – Manque de formation (13%) – Le télétravail (13%) |
On retrouve une hiérarchie des motivations un peu différente du côté des salariés qui ont démissionné. En effet, si la quête de sens arrive toujours en tête (48.1%), le salaire lui n’arrive qu’en 5e position. On peut expliquer cette différence de place par le contexte inflationniste qui s’est accéléré ces derniers mois. Les salariés qui envisagent aujourd’hui de démissionner le font donc davantage pour des raisons financières que ceux qui ont changé d’emploi au cours des 12 derniers mois.
En deuxième position, on retrouve la relation avec la hiérarchie (44.4%) suivie de l’ambiance de travail (37%). Le besoin d’autonomie arrive ex aequo avec le salaire (25.9%) devant le manque de formation (14.8%).
Pas de changement de secteur d’activité
On constate que les salariés qui ont démissionné sont restés en majorité dans le même secteur d’activité (66%).
La place de la formation professionnelle dans le changement de carrière
À la question « pensez-vous avoir besoin d’une formation pour accompagner votre changement de carrière ? », les résultats sont mitigés. La moitié ont répondu « oui » et l’autre moitié « non ». Néanmoins, ceux qui ont répondu « oui » sont 73% à envisager d’utiliser leur CPF pour financer leur formation.
Concernant les salariés qui ont démissionné, 74% affirment ne pas avoir suivi de formation. Cependant, ce résultat est à prendre avec prudence, car seulement 27 sur les 481 personnes ont répondu à cette question. Il nous semble donc difficile de tirer des conclusions pertinentes.
Partie 2 : Les entreprises face à la Grande Démission
Des entreprises qui craignent une nouvelle vague de démissions
Plus d’une entreprise sur 2 (55.1%) a connu une vague de départs depuis la crise sanitaire et 81.9% des répondants ont constaté un turn over supérieur à ce qu’il était avant la crise sanitaire. En croisant les données aux motivations des salariés, nous pouvons conclure que pour retenir et fidéliser les talents, l’accent doit être mis sur la quête de sens, le soutien du pouvoir d’achat, le management coach ou encore la cohésion d’équipe.
Que faut-il entendre par quête de sens ? Notre point de vue La « quête de sens » peut être considérée comme un terme « chapeau » qui regroupe plusieurs attentes comme l’alignement avec les valeurs de l’entreprise, les missions, la relation managériale ou encore les perspectives d’évolution. Quoi qu’il en soit, les entreprises vont devoir interroger leurs collaborateurs pour apporter des réponses pertinentes et personnalisées à la quête de sens. |
De multiples actions mises en place pour fidéliser les collaborateurs
Les entreprises ont pris diverses mesures pour réduire le turn over et limiter les vacances de postes :
– Une politique QVCT et des avantages sociaux (38.4%)
– La flexibilité du lieu de travail (36.6%)
– L’augmentation des salaires (33.8%)
– Des avantages divers (activités, animations, team building…) (32.9%)
– Des primes (30.1%)
Cependant, elles sont 21% à n’avoir rien mis en place.
La place de la formation professionnelle dans la fidélisation des talents
67% des entreprises répondantes ont développé la formation pour fidéliser les talents. Les principaux sujets de formation sont portés sur :
– Les compétences métiers (84.3%)
– Les compétences transversales (53.4%)
– Les compétences digitales (36.8%)
Ces données s’expliquent aisément par l’obsolescence rapide des compétences métiers qui doivent être mises à jour afin que l’entreprise continue à être performante et compétitive sur le marché. Puis, par l’importance grandissante des soft skills dans un monde du travail où les carrières se diversifient et où les métiers et les processus se digitalisent.
Si la fidélisation est la première motivation à former les collaborateurs, les entreprises investissent aussi dans la formation professionnelle pour répondre à des problématiques QVT internes (34.8%) et pour se démarquer de la concurrence (24.5%). Cela semble cohérent avec les enjeux de santé mentale, d’attractivité et de performance auxquels elles sont confrontées.
Des formations au management qui ont le vent en poupe
58.9% des répondants affirment avoir mis en place des actions de formation aux nouvelles pratiques managériales pour répondre aux nouvelles attentes des collaborateurs.
Le plan de compétences interne est le dispositif de formation le plus utilisé
Pour mener à bien le plan de formation, les entreprises utilisent plusieurs dispositifs :
– Le plan de compétences (72%)
– Les financements OPCO (46%)
– Un abondement CPF (20%)
– Le FNE (19%)
Une entreprise sur deux n’a pas mis en place de formation certifiante.
Des professionnels RH globalement satisfaits de leur travail avec une note moyenne de 3.6 sur 5. Cependant, ils sont près d’un sur deux à changer d’emploi pour un autre mieux rémunéré. La fonction RH a en effet du pain sur la planche et les défis qu’elle doit relever sont nombreux. C’est donc sans surprise que les RH attendent une rémunération à la hauteur du travail et de la valeur fournis.
Conclusion
Les résultats de notre enquête confirment qu’un salarié sur deux est désengagé. Pour les entreprises, les conséquences sont lourdes avec notamment une baisse significative du bien-être et de la performance, et un coût du désengagement qui s’élève à 10 070€ par an et par salarié en France. Il y a donc urgence à agir.
À la lumière de notre enquête, il semblerait que la plupart des organisations aient compris le message. La formation professionnelle se présente comme une solution de choix pour répondre aux enjeux de fidélisation et d’engagement. Le développement des soft skills prend d’ailleurs une place plus importante et à juste titre. Les entreprises font face à de nouveaux challenges sociaux, économiques, managériaux qui demandent de mobiliser des compétences comportementales comme la créativité, l’adaptabilité ou encore la communication.