4 questions à …. Frédéric Cavazza, Consultant et conférencier en transformation et acculturation numérique qui interviendra le jeudi 4 avril lors du Carrefour de l’IA 100% à distance.
Pourquoi un tel enthousiasme autour de l’IA ? Pourquoi maintenant ?
L’intelligence artificielle est un domaine de recherche vaste et complexe sur lequel la communauté scientifique travaille depuis près de 80 ans. Ce domaine a connu plusieurs périodes d’euphorie et de déception en fonction des avancées de la recherche. Nous avions déjà connu une période d’euphorie dans les années 2016/2017 avec la mise en pratique des méthodes de deep learning pour les agents conversationnels (c’était la mode des chatbots) et pour l’analyse de grands volumes de données. Des outils et pratiques qui ont vite atteint leurs limites en termes de performances et de fiabilité. Les choses ont changé récemment avec l’arrivée de nouvelles architectures de réseaux de neurones artificiels qui permettent de paralléliser l’apprentissage profond plutôt que de le faire de façon séquentielle. Cela permet concrètement d’analyser de bien plus grandes quantités de données pour pouvoir créer des modèles gigantesques (nous parlons ici de dizaines de milliards de pages web et documents).
Ce qui a cependant réellement changé la donne est la mise à disposition du grand public d’IA génératives comme ChatGPT ou Dall-E. Les créatifs, communicants ou marketeurs n’ont pas attendu OpenAI pour utiliser des outils génératifs, mais ils n’étaient pas directement accessibles comme le sont les nombreux services en ligne disponibles aujourd’hui. Donc, au final, la vague d’enthousiasme repose surtout sur une prise de conscience par le grand public des capacités de l’IA et plus spécifiquement des modèles génératifs.
Comment les entreprises peuvent-elles aborder le sujet de l’IA et l’intégrer ?
Il y a un véritable enjeu pédagogique : expliquer ce qu’est une IA, ce que ça peut faire ou ne pas faire pour pouvoir rassurer et convaincre les collaborateurs. L’IA véhicule malheureusement une image plutôt négative (celle qui va nous mettre au chômage et précipiter l’humanité à sa perte) alors que nous devrions plutôt nous réjouir du fait que les outils reposant sur l’IA vont nous apporter une aide précieuse : améliorer la qualité de notre travail tout en diminuant le temps et les efforts nécessaires pour le réaliser. Ceci étant dit, cette promesse ne tient que si les collaborateurs sont formés à des usages responsables de l’IA, c’est à dire si nous tenons compte des limitations des outils (ex : problèmes d’affabulation), si nous les utilisons dans un cadre éthique et légal (notamment vis-à-vis de la propriété intellectuelle des contenus et de la réglementation qui se met en place dans l’UE), et si nous faisons attention à la consommation de ressources (l’énergie utilisée pour faire tourner les modèles ou les terres rares utilisées pour fabriquer les processeurs).
Pour faire simple : en dehors des expérimentations et projets-pilotes, l’IA n’est viable que si nous appliquons les principes de la RSE à son déploiement à grande échelle. De ce côté-là, 2024 sera l’année de la rationalisation avec la conception et la mise en œuvre d’outils reposant sur des modèles plus petits et surtout spécialisés sur certaines tâches (par opposition à des modèles multi-modaux comme GPT-4 qui sont très puissants, mais très gourmands).
Le marché des outils reposant sur les modèles génératifs est-il mûr ?
Oui et non, en fait ça dépend des outils ! Plus sérieusement, le marché est aujourd’hui inondé d’outils et services qui promettent monts et merveilles, mais qui se contentent d’exploiter l’API de GPT-4. En ce sens, ce ne sont que des sur-couches. Il existe néanmoins des solutions tout à fait légitimes sur un usage précis qui font une utilisation pertinente de l’IA. Je pense notamment à des solutions de podcast comme Descript qui permettent de nettoyer et d’éditer des contenus audio en toute simplicité, ou des solutions éditoriales comme Copy.ai qui intègrent la génération de contenus dans des processus de travail complets. Nous avons également des poids lourds de l’industrie logicielle comme Microsoft, Google ou Adobe qui proposent des assistants capables de générer des contenus, mais avec des garde-fous pour limiter les dérapages et rester dans la légalité.
Ce qu’il faut retenir de tout ça est que nous sommes face à un marché foisonnant qui est pour le moment surtout en recherche de l’exploit technique. Il convient donc d’être très regardant sur les outils que vous souhaitez tester ou adopter et vous poser LA question que l’on oublie souvent : quel est le problème que l’on essaye de résoudre ?
Comment s’y retrouver dans cette frénésie d’innovation ?
J’avoue qu’il n’est effectivement pas facile de s’y retrouver, car encore une fois l’intelligence artificielle est un domaine de recherche et non une technologie. Il existe quantité de méthodes, algorithmes, architectures logicielles et matérielles pour pouvoir exploiter le principe d’intelligence artificielle (celui de déléguer à des machines un traitement cognitif). De ce fait, il y a énormément de bruit dans l’actualité qui touche à l’IA et très peu de signaux. La principale erreur est de regarder les publications scientifiques (par exemple sur arxiv.org) et de penser que ce sont des innovations viables et prêtes à l’emploi. Il y a effectivement un long cheminement entre des travaux de recherche et un outil que des néophytes peuvent utiliser dans leur travail au quotidien. Dans la mesure où je n’adhère pas à la théorie du « big bang informatique » (l’idée que nous allons abandonner du jour au lendemain tous nos outils informatiques pour les remplacer par des IA), le plus efficace est de se renseigner sur ce que les éditeurs traditionnels, ceux dont vous utilisez les outils et solutions, prévoient d’apporter comme améliorations dans les prochains mois.
Un des principaux messages que je souhaite faire passer lors de mon intervention au Carrefour de l’IA est qu’il ne faut pas se laisser hypnotiser par cette frénésie d’innovations à laquelle nous assistons en ce moment et rester concentré sur l’objectif initial : faire mieux avec moins.
Le B-A-BA de l’IA
Pour aller plus loin, on vous propose un petit feuillet pédagogique >> Je télécharge
Vous souhaitez en savoir plus ?
Retrouvez Frédéric Cavazza lors du Carrefour de l’IA qui se tiendra jeudi 4 avril 2024 100% en visio-conférence et qui interviendra sur le thème de « Observatoire des meilleurs outils et pratiques de l’IA : ce qu’il faut retenir ! »
Toutes les informations pour vous inscrire sans tarder au Carrefour de l’IA sont à retrouver ICI