Une tenue trop décontractée peut faire perdre en crédibilité. Pour le bien de sa carrière, mieux vaut intégrer les codes non-dits qui régissent le style vestimentaire au bureau, estiment deux expertes du conseil en image.
« Vous avez vu le stagiaire comment il est habillé ? Il a mis un short… » Il est fréquent, lorsque les beaux jours reviennent, d’entendre cette remarque murmurée au détour d’une conversation entre collègues, près de la machine à café. Les nouvelles recrues n’ont pas toujours intégré les codes informels qui régissent la manière de s’habiller en entreprise.
Un sujet pas si anodin qu’il n’y paraît. « C’est un enjeu qui est souvent sous-estimé, mais l’image, c’est un outil de communication comme un autre », explique Myriam Hoffmann, conseillère en image.
Pourtant, en théorie, rien n’empêche un cadre qui ne quitte pas son bureau de venir travailler en bermuda. Selon le Code du travail, l’entreprise peut imposer des codes vestimentaires uniquement s’ils sont « nécessaires et proportionnés ». Les restrictions admises sont celles dictées par des raisons d’hygiène, des contraintes liées à l’utilisation des équipements ou de contact avec la clientèle. « Juridiquement, c’est la liberté qui est promue, mais dans les faits, ça a un impact », reconnaît Marie Content, avocate en droit social chez BG2V.
Du costume-cravate au jogging
Dans son cabinet, elle constate que « de plus en plus de gens heurtent parce qu’ils n’ont pas les codes ». Parce que les associés ne sont pas toujours en costume-cravate, « ils pensent que c’est OK de débarquer en jogging ou en treillis ».
Même constat au sein du cabinet de conseil et d’audit Forvis Mazars : « Les jeunes de la génération Z peuvent pour certains considérer qu’une tenue vestimentaire professionnelle n’est pas importante, tant que l’expertise est là. Mais en cas de rendez-vous client, la situation est différente », tranche la DRH, Mathilde Le Coz.
Avec des conséquences qui peuvent être importantes : « Un stagiaire qui s’habille de manière trop décontractée, le problème c’est que, dans l’esprit des autres, il restera toujours un stagiaire. Si on veut s’inscrire en tant que futur employé d’une entreprise, il faut en intégrer les codes et commencer par incarner ces valeurs de manière visuelle », décrypte Tatiana Haen, coach en prise de parole et auteure de « Le Power Dressing : un look à la hauteur de votre ambition » (2022, éditions Kiwi).
Incarner sa fonction
La manière de s’habiller doit refléter la fonction que l’on occupe dans l’organigramme. « On incarne quelque chose si on est le responsable de l’équipe, le manager : il faut savoir projeter cette image », estime Tatiana Haen. « J’ai vu des personnes dont les clients pensaient qu’ils occupaient des fonctions supérieures juste par rapport à la façon dont ils étaient habillés », illustre Myriam Hoffmann.
Pire, l’experte pointe que « le cerveau fait des raccourcis » et quelqu’un dont la tenue est négligée peut laisser penser que… son travail le sera aussi. « Une personne qui n’incarne pas sa fonction peut aussi se retrouver lésée en termes de promotions ou d’augmentations de salaire », pense Myriam Hoffmann. Une tenue soignée permet aussi « de gagner en confiance en soi, on se sent plus puissante et capable de faire adhérer les gens à notre projet », observe Tatiana Haen.
Le style vestimentaire ne revêt toutefois pas la même importance dans tous les secteurs et certains recruteurs y sont plus ou moins sensibles. A l’image de Marion Fourrier, DRH dans le domaine de la santé : « Je reçois des professionnels qui sont sur le terrain donc je ne vais pas me heurter si un candidat arrive en baskets ou avec une robe un peu légère. »
Un entretien d’embauche en tongs
Elle-même a déjà été contrainte par le passé de passer un entretien d’embauche… en tongs. Elle venait tout juste de déménager et le camion contenant ses vêtements n’était pas encore arrivé. « C’était fin août, je portais une robe longue et une paire de claquettes… J’ai espéré qu’ils allaient me juger sur d’autres choses », relate-t-elle.
Un pari gagnant puisqu’elle a finalement été embauchée. Si le style vestimentaire des candidats n’a pas vraiment d’importance à ses yeux, Marion Fourrier est en revanche très attentive à la posture générale de ses interlocuteurs. « J’ai déjà eu un candidat qui avait mis les pieds sur la table en entretien… ça ne l’a pas fait. Certains arrivent avec une attitude nonchalante, ils n’attendent pas que vous leur proposiez de s’asseoir et arrivent comme s’ils étaient avec des potes », détaille la recruteuse.
Des comportements qui peuvent la convaincre de ne pas recruter ces profils, quand bien même le CV cocherait toutes les cases. « Je préfère quelqu’un de moins expérimenté, moins technique mais avec du savoir-être », tranche-t-elle.
Pour les premiers jours dans une nouvelle entreprise, Tatiana Haen et Myriam Hoffmann conseillent de « faire profil bas ». « Il faut observer pour sentir, en fonction du secteur économique, quelles sont les règles à suivre en termes de couleur, de style, de degré de décontraction ou au contraire d’exigence d’habillement », recommande la conseillère en image. L’objectif : ne pas être trop ou pas assez habillé.
Sarah Dumeau