Comment ce qui semblait très important deux heures auparavant peut être remis sine die, dans l’entreprise ?
L’enjeu est de taille. Il s’agit de lancer un grand projet de transformation pour faire évoluer la culture de l’entreprise. En effet, cette entreprise bien installée sur son marché depuis des décennies est confrontée à un environnement beaucoup plus exigeant tant sur les prix que sur le service demandé.
Le diagnostic des dirigeants est clair, il faut un changement en profondeur de la façon de travailler ainsi que des modes de fonctionnement entre les entités et, bien sûr, des modes de management.
Autrement dit, tout le monde est impacté par le sujet, tout le monde va devoir faire évoluer sa mentalité et ses comportements.
La réunion de lancement avec les top managers permet à ces derniers de contribuer au contenu du projet. Chacun exprime sa conviction de la nécessité de faire évoluer les choses. Puis, vient la question de la mise en œuvre. Tous comprennent que le changement suppose du temps, de l’implication, bref un engagement. Le doute s’installe.
Une réactivité immédiate
Ce projet supplémentaire inquiète certains, ceux-là même qui ont déjà du mal à boucler leurs journées. Dès lors, le débat s’ouvre sur la question du « bon moment ».
Certains font valoir que la campagne commerciale débute, d’autres qu’ils sont déjà partie prenante dans un projet lean, d’autres encore que la dernière transformation est récente et que ce nouveau plan va donner une impression de changement permanent.
Progressivement, un consensus émerge sur la perspective de repousser le projet de six mois. Mais le directeur financier fait remarquer que, dans six mois, il y aura les budgets. Il faut peut-être alors remettre à 2020…
Et voilà comment ce qui semblait très important à chacun, deux heures plus tôt, est remis sine die. Cette question du poids de la gestion du quotidien par rapport aux projets de transformation de fond est permanente.
La tendance naturelle est toujours de privilégier le court terme qui induit une pression beaucoup plus forte et immédiate. Le changement peut toujours attendre alors que délivrer au quotidien suppose une réactivité immédiate. Ce n’est jamais le moment de lancer des transformations mais les repousser grève lourdement l’avenir de l’entreprise.
C’est donc le rôle du dirigeant de donner le tempo, une fois que les acteurs sont convaincus de l’utilité des mesures. C’est à lui de ne pas lâcher les actions de fond qui transforment pour céder à la pression du court terme. Il reste à aider les managers à ne pas se laisser déborder et à garder de la disponibilité pour participer pleinement à la transformation.
Éric Albert