Au-delà du salaire, les employés des jeunes pousses sont de plus en plus sensibles au sens du travail et à son organisation. Les entreprises tentent de s’adapter à cette nouvelle donne pour séduire les meilleurs éléments et les conserver.
Le monde du travail change vite, les attentes des salariés aussi. Un défi pour les start-up qui ont besoin des meilleurs profils pour atteindre les sommets. Lors des entretiens d’embauche, le sujet de l’engagement devient majeur. C’est la raison pour laquelle Le Galion, un collectif d’entrepreneurs de la French Tech, a organisé une table ronde sur ce thème, jeudi 13 octobre, à Paris, en partenariat avec « Les Echos ».
« Nous avons choisi volontairement de séparer les sujets rémunération et engagement. L’idée, c’est d’essayer de comprendre comment fidéliser les talents aujourd’hui », souligne Laurence Lucas, directrice des publications du Galion.
Le salaire demeure, bien sûr, un critère de choix. Mais, de l’aveu des directions des entreprises, les employés des start-up sont de plus en plus attentifs au sens du travail et à son organisation. Surtout, ils n’hésitent pas à poser leur démission s’ils sont insatisfaits.
Un marché en tension
« Ces personnes ont souvent le luxe d’avoir le choix car ils évoluent sur un marché en tension. C’est très positif de les amener à avoir une réflexion sur l’engagement », analyse Jérémy Clédat, patron de Welcome to the Jungle, un site incontournable pour les annonces d’emplois dans la tech.
Les entreprises à impact ou qui ont le label B-Corp reçoivent ainsi de plus en plus de CV. « Historiquement, nous avions plutôt des employés avec des profils juniors. Mais ces derniers temps, nous avons recruté de plus en plus de séniors qui ont travaillé chez Uber, Coca-Cola, Bain ou Danone et changent d’horizon pour une question de sens », explique Jean Moreau, patron de Phenix, qui a lui même quitté la banque Merrill Lynch pour créer une start-up luttant contre le gaspillage alimentaire.
Les demandes de souplesse dans l’organisation du travail ont également progressé. Un phénomène accentué par le Covid-19 et qui pose, en creux, le sujet de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. « Les offres sans télétravail sont beaucoup moins attractives », observe Jérémy Clédat, dont un tiers des salariés sont à 100 % à distance et qui a mis en place la semaine des quatre jours dès 2019. Une mesure qui, assure-t-il, n’a pas affecté la productivité de son entreprise.
Un management plus horizontal est aussi réclamé, tout comme des informations sur la vie de l’entreprise. Phenix publie par exemple des comptes rendus de son comité exécutif et consulte ses salariés par référendum. Ces derniers ont récemment voté contre l’organisation d’un séminaire. Une décision à laquelle la direction s’est pliée.
Injonctions contradictoires
Le patron de Phenix est convaincu de l’importance de jouer carte sur table, dans les bons moments comme dans ceux plus douloureux. « Je suis très transparent sur notre ‘cash burn’ [l’argent qu’on brûle, NDLR] et pourquoi nous ne sommes pas encore à l’équilibre », illustre-t-il.
Les start-up sont parfois prises entre plusieurs feux. D’un côté, elles veulent répondre de façon favorable aux besoins d’autonomie des salariés. De l’autre, elles ont besoin de créer de la cohésion afin que tout le monde rame dans le même sens. Ce qui peut se révéler complexe quand la moitié des bureaux sont vides. « La question de la créativité est également très importante », insiste Laurence Lucas.
Ces changements d’habitudes poussent les start-up à se réinventer « Les équipes RH sont de plus en plus au centre des boîtes, observe Jérémy Clédat. Mon sentiment, c’est que nous entrons dans une phase d’ultrapersonnalisation dans laquelle il va falloir construire des parcours uniques pour les salariés. » L’engagement à la carte : la recette miracle pour faire briller les pépites de la French Tech ?
Par Adrien Lelièvre
