Comme les gouvernements, l’entreprise doit régulièrement prendre des décisions impopulaires. Toute la question est de pouvoir le faire sans pour autant créer des réactions émotionnelles, de nature à créer un fossé entre les collaborateurs et leurs dirigeants.
Les manifestations massives et répétées en Israël ont conduit le Premier ministre Netanyahou à geler sa réforme du système judiciaire. Même en ayant une majorité parlementaire, il se rend compte que la désapprobation générale comporte un risque pour le pays. Sur un autre sujet, le gouvernement en France est confronté à une situation qui a des similarités.
Dans l’entreprise, cette question de l’adhésion des acteurs est fondamentale. Car comme les gouvernements, l’entreprise doit régulièrement prendre des décisions impopulaires : faire un plan de licenciement, prendre des mesures restrictives sur les salaires, mettre en place une organisation matricielle qui rend plus interdépendant… Les occasions de contrarier et de déplaire ne manquent pas.
Toute la question est de pouvoir le faire sans pour autant créer des réactions émotionnelles de nature à créer un fossé entre les collaborateurs et leurs dirigeants. Car si les salariés ne manifestent rien, lorsqu’ils désapprouvent les mesures prises par leurs chefs, cela dégrade subrepticement leur relation à l’entreprise. Ce n’est souvent pas visible d’emblée. Mais chacun s’éloigne peu à peu et à sa manière.
« Quiet quitting »
La forme la plus évidente est le « quiet quitting », mais le désengagement peut être limité à cesser d’avoir des idées nouvelles, à moins investir ses relations professionnelles ou à être moins exigeant sur la qualité des travaux. C’est à peine détectable mais évidemment essentiel car, progressivement, les acteurs « contributifs » deviennent des salariés qui se limitent au juste nécessaire.
Pour susciter l’adhésion, il est d’abord indispensable de partager le même diagnostic de la situation. Il faut donc échanger souvent, avec toutes les strates de l’entreprise, les éléments essentiels du contexte mais aussi des enjeux et préoccupations pour y faire face.
La plupart du temps, les dirigeants le font lors de réunions entre eux mais ne diffusent pas aux autres acteurs. Il est aussi utile de mettre de son côté les leaders d’opinion, qui ne sont pas toujours dans les organigrammes, par des échanges informels.
L’illusion que tout va bien
Bien sûr, il importe de constamment rappeler le sens des actions et montrer en quoi les grandes décisions s’y inscrivent en cohérence. Enfin, il est impératif de comprendre la préoccupation des acteurs, qui mesurent les répercussions des décisions sur leur vie quotidienne. Ainsi peut-on mieux les accompagner et faciliter leur adaptation à un nouveau contexte.
Attention, les effets de la désapprobation silencieuse sont décalés dans le temps. Au moment de la mise en place de la décision qui la provoque, rien ne passe. Ce qui peut donner l’illusion que tout va bien.
C’est évidemment un piège qui laisse croire ceux qui pratiquent un management « de rouleau compresseur » en l’existence d’une efficacité immédiate.
La mesure de l’adhésion devrait être un indicateur de la performance des leaders.
Par Eric Albert (associé gérant d’Uside)