Contrairement à la complexité, elle manque cruellement en entreprise. La simplicité est pourtant une bataille de l’excellence qui découle de deux valeurs essentielles en affaires : l’intelligence et le bon sens.
Pas un jour sans un article consacré à une nouvelle approche managériale, au point que nous pouvons parler de novlangue managériale . Sauf que tout le monde est épuisé de constater qu’en dépit de cette infobésité managériale, la vie en entreprise est plutôt triste, difficile voire poussive. Comment faire cesser ce sentiment, ressenti par les des salariés et les dirigeants ?
Nous convertir collectivement à la simplicité serait peut-être une bonne approche.
Une bataille d’excellence
Steve Jobs aimait reprendre, avec gourmandise, cette phrase de Léonard de Vinci : « la simplicité est la sophistication suprême. » La solution la plus simple demande parfois beaucoup de temps, d’argent et d’énergie, mais elle conduit presque toujours au meilleur résultat.
Si la complexité peut aggraver les problèmes jusqu’à la catastrophe, la simplicité – qui, rappelons-le, diffère d’une pensée simpliste – manque cruellement en entreprise. Peu d’organisations disposent de règles claires et non équivoques qui permettent à chacun d’avoir la même compréhension de l’écosystème dans lequel il évolue. Peu d’entreprises gagnent cette bataille de l’excellence qu’est la simplicité, qui découle de deux valeurs essentielles en affaires : l’intelligence et le bon sens.
Plus accessible en matière de gouvernance humaine, la simplicité est davantage à la peine sur des thématiques de gouvernance stratégique ou industrielle. Des sujets qui en appellent à la clarté, au courage et à un alignement fort entre les paroles et les actes.
Clarté de la mission et de la stratégie
Mais comment manager plus simplement ? Les dirigeants devraient prendre le temps de (re)penser la mission de l’entreprise pour l’articuler autour de valeurs identifiables par tous afin de créer, au gré du temps, une culture commune comprise et incarnée par tous.
La clarté de la mission devrait entraîner celle de la place de chacun : il n’est pas rare d’entendre des salariés s’interroger sur leur rôle et leur utilité et, en définitive, leur engagement voire leur désengagement. Communiquer sur la stratégie de manière lisible renforce leur engagement. Trop de dirigeants considèrent, à tort, que la compréhension du cap fixé pour l’entreprise ne doit se limiter qu’au top management (il n’est, du reste, pas rare que des dirigeants avouent – à voix basse – que la direction est un épais brouillard).
Ces enjeux irriguent naturellement le vivier des ressources humaines. De qui a besoin l’entreprise ? D’une liste à la Prévert de diplômes de grandes écoles ou bien des éléments les plus adaptés sur lesquels l’entreprise saura s’appuyer avec pertinence et sans mépris ?
Talent : qui l’est, qui ne l’est pas
L’équipe comprend des talents . Mais qu’est-ce qu’un talent ? Peu d’entreprises sont sans ambiguïté à ce sujet.
En France, parmi les critères minimum figure, trop souvent, la grande école de niveau A. A tort : un talent est beaucoup plus qu’un diplôme, aussi prestigieux soit-il. De plus, les entreprises doivent sortir de leur pudeur déplacée qui les empêche d’affirmer qui est un talent et qui ne l’est pas.
La règle devrait être simple : tout en favorisant l’esprit d’équipe, un talent devrait être récompensé à la hauteur de la valeur de sa contribution, sinon à quoi bon l’être et donner plus et mieux que les autres ? Cela rend la question salariale épineuse.
Sans aller jusqu’à mettre en oeuvre le « keeper test » de Netflix (destiné à vérifier que chacun est toujours au bon poste, avec les conditions adéquate, NDLR) un grand nombre de nos incohérences salariales pourraient être évitées – dont la problématique de l’âgisme (trop jeune ou trop vieux). La diversité intergénérationnelle est une richesse : il faut bien recruter des forces vives et garder, en même temps, la mémoire de l’entreprise.
Ni droit à l’erreur ni pardon ?
En matière de mobilité professionnelle aussi, les choses devraient être plus simples. Il faudrait en finir avec la règle de l’ancienneté minimum qui conditionne la mobilité d’un collaborateur. Chaque employé devrait pouvoir aller où il sera le plus utile.
Les mobilités horizontale et verticale pourraient être plus agiles et faciles, en fonction des aspirations réelles des gens et, bien entendu, des besoins de l’entreprise.
Autre point important : la non-réintégration systématique des salariés qui ont quitté le groupe . Pourquoi pointer une forme de déloyauté ? Cet argument, digne de l’âge de pierre, signifie en creux que l’entreprise ne pratique ni le droit à l’erreur ni le pardon.
Recourir à la simplicité est une autre manière de mettre l’égalité des chances au coeur de la gouvernance. De privilégier l’équité et le mérite en même temps.
Par Nicole Degbo, fondatrice de La Cabrik, « fabrik » spécialiste des situations de crise de gouvernance, qui accompagne les transformations pour relier l’économie à l’humain.