Ressources humaines

Marianne Yalfani, « RAKUTEN, des valeurs vivantes et incarnées »

Artilcle M. Yalfani

Fondée au Japon en 1997, Rakuten est une entreprise d’envergure mondiale, qui propose de nombreux services numériques via sa plateforme B2B2C : e-commerce, publicité, fintech… Implanté en France dès 2010 en procédant à l’acquisition de PriceMinister, le groupe cultive sa différence en adoptant des pratiques responsables qui incarnent ses valeurs. Rakuten défend notamment un e-commerce vertueux dans lequel il n’entre
jamais en concurrence avec ses clients commerçants.

Rakuten France est aujourd’hui en phase de croissance et accompagne le développement mondial de nouveaux services du groupe. Le recrutement, la capacité d’attraction des candidats et le développement de ses collaborateurs sont au cœur des enjeux de l’équipe française, sur un marché particulièrement concurrentiel. Marianne Yalfani, directrice des ressources humaines depuis janvier dernier, a accepté de passer en revue avec nous les défis à relever. Avocate spécialisée en droit social, ayant exercé également en tant que responsable juridique d’UPS pour la France, Marianne Yalfani est devenue DRH en faisant ses classes chez BlaBlaCar, dans le groupe de restauration Big Mamma et dans la start-up Qare, pionnier de la téléconsultation médicale.

Rakuten est un groupe aux très nombreuses activités numériques, confronté à des concurrents aussi célèbres que puissants. Pouvez-vous nous expliquer la spécificité de votre entreprise ?

Marianne Yalfani : Rakuten est aujourd’hui l’une des cinq plateformes d’e-commerce les plus puissantes au monde. Nous sommes surtout l’entreprise qui a créé la première place de marché B2B2C virtuelle. La spécificité de Rakuten tient à notre vision du développement, à la fois éthique et actuelle. Avec nos clients vendeurs, avec les particuliers, avec les prestataires, nous avons des relations très équilibrées, inscrites dans la durée et respectueuses de l’intérêt de chacun. Cela nous permet de répondre à des besoins très actuels d’aide à la digitalisation de nombreux métiers et à la nécessité pour nos partenaires d’y accéder sans jamais que la relation ne débouche sur une concurrence entre eux et nous.

Par votre parcours, vous avez connu de grandes entreprises et des start-ups, le secteur des technologies comme celui de la restauration. Est-ce que Rakuten se distingue également dans sa manière d’aborder les ressources humaines ?

M. Y. : J’en suis convaincue et il est primordial d’en avoir la capacité, compte tenu notamment de la grande concurrence qui existe en matière de recrutement et de la nécessité, plus que jamais, d’avoir des collaborateurs engagés, car c’est cela qui fait la différence. À titre d’exemple, le groupe est très attaché à la promotion interne, ce qui témoigne de l’investissement que nous faisons dans nos collaborateurs. Environ 20 % des postes sont pourvus de cette manière. Plusieurs des membres de notre Management Committee sont d’anciens stagiaires ou collaborateurs juniors qui ont progressé. La clef est d’avoir une vision claire de l’avenir dans lequel nous voulons nous projeter, une vision juste des compétences et des potentialités de chacun et une capacité élevée à faire évoluer nos collaborateurs et nos équipes. Nous comptons également nous distinguer par l’expérience offerte et par des avantages innovants proposés aux collaborateurs.

Vous êtes arrivées en début d’année. Quelles sont les principales missions qui vous ont été confiées ?

M. Y. : La première est de formaliser notre marque employeur afin d’accroître la notoriété de celle-ci. Nous tentons d’avoir une approche innovante quant aux avantages que nous proposons, notamment relatifs à la qualité de vie au travail et au bien-être de nos collaborateurs. La seconde est d’accompagner le déploiement d’un nouveau service : le Rakuten Fulfillment Network, lancé en mars de cette année. Il démocratise la logistique e-commerce en proposant un service de stockage et de livraison accessible, simple d’utilisation, à un tarif juste et sans frais cachés. La troisième est d’accompagner la forte croissance de l’extension du Club R, le premier programme de fidélité qui récompense l’infidélité. L’extension permet aux membres de récupérer du cashback lorsqu’ils achètent sur le site d’un de nos plus de 1 500 partenaires.

OMOTENASHI : LE SENS DU SERVICE ABSOLU STRUCTURE ET INSPIRE NOTRE ORGANISATION.

Quel sont les enjeux RH qui en découlent ?

M. Y. : Ils portent à la fois sur le recrutement, d’autant plus que nous devons délivrer rapidement pour le déploiement de ces services, mais aussi sur l’intégration de nouveaux métiers à notre équipe, en particulier dans le domaine de la logistique. Notre souci est de continuer à éviter les silos dans l’entreprise, contraires à notre souci d’assurer ce que l’on désigne au Japon par le terme « omotenashi », le sens du service absolu, qui structure et inspire notre organisation. Parallèlement, nous devons veiller à continuer de permettre à l’ensemble de nos collaborateurs de se développer.

Sur quels leviers pensez-vous pouvoir jouer afin de faire face à cet effet de silotage ?

M. Y. : Nous n’avons pas la prétention d’avoir trouvé la solution à ce sujet qui concerne de nombreuses organisations. Nous attachons une grande importance tout d’abord au partage et à la communication régulière de notre vision, de la stratégie de l’entreprise, dans le but d’aligner les équipes, et surtout de transcender les missions et objectifs propres à chacune. Nous tentons également de clarifier régulièrement les missions de chacun, de donner de la visibilité sur les projets en cours, permettant ainsi à chaque équipe de comprendre comment elle peut s’appuyer sur les autres pour réaliser ses projets et délivrer le niveau de qualité attendu. «Rakuten» signifie «optimisme» en japonais. C’est une valeur très puissante quand elle est couplée à la solidarité, à la persévérance et au goût de l’innovation.

Avant la réalisation d’un projet, il y a le stade de la prise de décision qui, elle aussi, peut être perturbée par le même effet…

M. Y. : En effet. Nous travaillons aussi sur la prise de décision elle-même car elle conditionne de facto tous les processus de réalisation qui en découlent. Cela passe par une anticipation large des impacts d’une décision et donc l’identification très en amont des parties prenantes concernées. Cela permet de les embarquer très tôt, avant même que la décision ne soit prise. L’équipe de direction, mais aussi tous les managers sont donc concernés. Sans cela, le risque est que chaque équipe développe sa propre vision de la
stratégie de l’entreprise et se dote d’un agenda spécifique, sans que les interactions avec les autres équipes ne soient réellement pensées. Autrement dit, il faut un cap clair et que chacun sache s’appuyer sur tous ceux qui sont utiles pour que l’objectif soit atteint.

L’OPTIMISME, UNE VALEUR TRÈS PUISSANTE QUAND ELLE EST COUPLÉE À LA SOLIDARITÉ, À LA PERSÉVÉRANCE ET AU GOÛT DE L’INNOVATION

Avant de devenir DRH vous-même, vous avez conseillé, en tant qu’avocate, de nombreux DRH. Constatez-vous une évolution dans la manière dont cette fonction est perçue par les dirigeants et par les collaborateurs ?

M. Y. : Il me semble que la perception a changé à la faveur de deux facteurs. Les dirigeants considèrent désormais les ressources humaines comme un levier de performance à part entière de l’entreprise. Un dirigeant attend que les RH contribuent à la compréhension de l’environnement concurrentiel et aident les collaborateurs à accroître leurs performances, individuelles et collectives. Notre valeur ajoutée tient à notre capacité, d’une part, à appréhender la très grande spécialisation des métiers dont l’entreprise a besoin et, d’autre part, à avoir une vision transverse de son organisation. Grâce à cela, nous aidons la direction et les managers à se challenger, à se comparer et à apporter de la cohérence. L’autre facteur vient de la nécessité et de la valeur à désormais prendre en compte les émotions des collaborateurs. Ces émotions tendent à s’exprimer d’autant plus ouvertement que la frontière entre la vie professionnelle et personnelle est aujourd’hui plus floue. De fait, les DRH ont un rôle à jouer à
mi-chemin entre direction et équipe, entre médiation et articulation : nous devons créer du lien, et pour cela faire en sorte que les valeurs de Rakuten soient vivantes et incarnées.

Retrouvez cette interview dans le Mag des Compétences n°5

 

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