Quand on ne se sent pas à sa place au boulot, le premier réflexe, c’est souvent d’envisager de changer d’entreprise. Parfois trop précipitamment, pour se rendre compte un an après… que son nouveau job n’est pas plus parfait que le précédent. Sur ce constat, Clara Delétraz, fondatrice de Switch Collective, nous explique pourquoi nous devrions tous interroger notre rapport au travail, et pas seulement nos tâches quotidiennes.
Remettre à jour son profil LinkedIn en espérant qu’un miracle se produise ? Check. Postuler à plein d’annonces en se disant que, sur un malentendu, ça va bien finir par marcher ? Re-check. On ne vous jette pas la pierre, on est aussi passés par là.
Raisonner en termes de jobs disponibles, c’est le 1er réflexe quand on n’est plus aligné.e dans son travail. Sauf que… ça ne marche pas.
Parce que nous sentons bien que les crises économiques, sanitaires et écologiques ont rendu plus complexes nos questionnements par rapport à nos vies, à nos jobs, à notre place…
« A quoi ai-je envie de contribuer ?», « à quel rythme ? », « en faisant quoi ? » Entre besoin de changement et peur d’un futur incertain, on a souvent l’impression de se retrouver seul.e avec ses réflexions : « j’aimerais bien… mais je ne sais pas par où commencer ».
Mais la bonne nouvelle, c’est que nous sommes en réalité très nombreux à nous poser ces questions. Et il existe au moins 3 raisons pour lesquelles on devrait tous prendre un temps de réflexion sur notre rapport au travail.
Parce que nous sommes 9 français sur 10 à nous dire désengagés au travail.
En France, le travail est une composante essentielle de notre identité . Il sert à signaler notre place dans la société. Il est donc plus difficile de s’en détacher que dans les cultures anglo-saxonnes par exemple, où le travail est plutôt abordé sous l’angle utilitaire. L’envie d’avoir un job qui nous ressemble, d’être aligné.e avec ce que l’on fait est évidemment une bonne chose.
Mais la conséquence, c’est que nous faisons reposer beaucoup de choses sur notre job. Et lorsque que nous ne nous y épanouissons plus, nous avons tendance à nous désengager. D’après une étude Gallup, ce sont 9 français sur 10 qui se disent désengagés de leur travail. Ce qui veut dire que le problème ne se pose ni à l’échelle d’une entreprise, ou même d’une génération, mais bien à la société dans son ensemble.
Parce qu’à l’échelle individuelle, on a tous envie de comprendre d’où vient ce désalignement professionnel.
Chez Switch Collective, nous sommes aux premières loges pour observer ces tiraillements. Et parmi les questionnements qui reviennent le plus fréquemment chez tous nos participants à « Fais le bilan », on retrouve :
– La question du sens et l’alignement avec ses aspirations. Comme Aurore, consultante en stratégie : « Je me suis dit : j’ai 30 ans, je fais un truc que je déteste : des slides et des Excel et je ne m’épanouis pas du tout. Ça faisait 10 ans que je me disais que j’avais envie de monter ma boite, mais je ne savais pas du tout dans quoi. »
– La question de notre propre utilité. Comme Thomas, ingénieur : « Avec le chômage partiel du 1er confinement, j’ai réduit fortement mon activité. Et le monde ne s’arrête pas de tourner. Je réalise que si demain il y a un cataclysme, c’est ceux qui font des choses de leurs mains qui seront utiles à la société. Ça m’interroge sur ce que je vais faire ensuite. Je veux anticiper. »
– La question de nos conditions de vie et de travail. Comme Ishtar, employée par un grand groupe bancaire : « Après être passée en télétravail pendant les confinements, je ne me vois pas reprendre les transports tous les jours pour aller travailler dans un open space bruyant ».
– La question de la place de notre travail et de l’équilibre vie pro/ perso. Comme Arnaud : « J’ai développé des relations différentes avec mes enfants. Cette période me fait réfléchir à la juste place que je veux donner à mon job dans ma vie ».
Alors NON, on ne va pas tous changer de job demain… mais nous ne voulons plus non plus sacrifier notre vie à notre travail. Ce qui nécessite de nous poser la question de sa place dans nos vies, et de son contenu.
Parce que le cloisonnement total entre vie pro et vie perso n’existe pas
Du coup, on pourrait être tenté.e.s de chercher notre épanouissement en dehors du travail. C’est d’ailleurs un des fantasmes les plus répandus : ne plus avoir besoin de travailler. On est nombreux à y avoir songé au moins une fois et à s’être dit qu’on serait super heureux si on arrêtait de bosser.
Mais travaille-t-on uniquement pour l’argent ? En 1931, deux sociologues, Marie Jahoda et Hans Zeisel, ont étudié un village entier en Autriche, qui en raison de la fermeture de l’usine qui employait une grande partie des habitants, est passé du plein emploi au chômage. Ils se sont rendus compte que le travail nous apporte plus qu’un simple revenu : ce sont les 5 fonctions latentes du travail.
Au bout de plusieurs mois de chômage, on va commencer à se demander « Qu’est-ce que je vais faire cette semaine ? » – car le travail structure notre temps. « Mais à quoi je sers ? » – car le travail façonne aussi notre identité. Il nous aide également à développer des compétences, des connaissances, et à se challenger.
Alors certes, le travail peut, particulièrement dans nos sociétés modernes, être perçu comme bullshit, envahissant, aliénant. Heureusement, il est également possible d’y retrouver du sens et du plaisir, en commençant par définir ce qui est vraiment important pour soi.
Comme Simon, ingénieur dans le conseil : « Une fois qu’on a écrit noir sur blanc ce qui est important pour soi, on peut plus faire semblant. Pour moi, ce n’était pas ‘apprendre plein de choses’ comme je me l’étais raconté. Mais d’aligner les questions environnementales qui me préoccupent et mon activité professionnelle. »
Chez Switch, nous pensons que ce n’est pas une fatalité de se lever le matin et de subir son travail, d’y aller la boule au ventre et de se dire qu’on va passer 8 heures dans un bullshit job. Et qu’il est au contraire possible de trouver dans le travail un vecteur de réalisation de soi. A condition de se poser les bonnes questions et d’ affronter ses peurs , et pour cela il n’y a pas d’âge ! Et cela ne veut pas dire forcément qu’il faille changer de travail nécessairement ou encore déménager pour changer de vie .
Par Clara Deletraz