La réforme du procès civil est intervenue par trois décrets qui ont été publiés au cours du mois de décembre 2019. Il s’agit d’une réforme de continuité dans la ligne droite des objectifs des lois Belloubet du 23 mars 2018 : une procédure plus simple et plus rapide pour restaurer la confiance du justiciable dans la justice.
Ces objectifs sont assurés par des modifications importantes qui visent essentiellement les avocats qui ont dû dans un temps très court revoir leurs pratiques.
En réalité, il s’agit d’une complexification de la procédure qui touche de nombreux aspects du procès civil. Il n’est donc pas certain que l’accélération attendue se produise, en tout cas pas tout de suite, nous confie Monsieur Antoine Bolze, Intervenant Comundi et Avocat au barreau de Paris et Maître de conférence HDR à l’Université Paris-Est Créteil...
Pouvez-vous nous récapituler les principales modifications apportées par la réforme de la procédure civile ?
Il existe une nouvelle architecture judiciaire avec de nombreux changements concernant toutes les procédures devant l’ancien tribunal de grande instance. La réforme touche d’abord à l’organisation judiciaire avec la suppression du tribunal de grande instance et la création du tribunal judiciaire, les chambres et le tribunal de proximité et le juge des contentieux de la protection.
Compte tenu de ces nouvelles règles de compétence, il a été créé un règlement administratif des questions de compétence pour y répondre rapidement.
Ensuite, des modifications sont apportées sur les mentions de l’acte introductif d’instance, assignation et requête. Les règles et les délais pour la constitution d’avocat et pour le placement de l’assignation ont été modifiés. De même, la réforme renforce la résolution amiable des différends qui devient, dans certains cas, obligatoire.
Enfin, la représentation obligatoire par un avocat a été étendue et le régime de l’exécution provisoire entièrement refondu. Les anciens référés en la forme ont été remplacés par la procédure accélérée au fond. Tous ces changements sont importants pour les praticiens.
Quel bilan peut-on faire quelques mois après ?
La difficulté est que cette réforme modifie beaucoup de choses mais par petites touches. C’est une réforme très technique qui demandait qu’on laisse un peu plus de temps aux praticiens pour l’intégrer.
Sans parler de panique, le choc a néanmoins été brutal car l’entrée en vigueur était anormalement rapide, quasi immédiate. La situation a été difficile pour les assignations délivrées pendant le virage de l’hiver 2019-2020. Heureusement, dans l’ensemble, la réforme est entrée en vigueur sans trop de difficultés particulières.
Certains confrères, spécialistes de la procédure, ont rapidement diffusé sur le net les nouveaux modèles d’actes en signalant les points importants, notamment sur le terrain de la responsabilité professionnelle.
Pour les nouvelles pratiques en matière de résolution amiable des différends, auxquelles sont fortement incités les praticiens, il faut attendre encore pour pouvoir observer si un véritable changement va s’opérer.
L’axe de la réforme s’opère surtout sur la mise état qui peut dorénavant faire l’objet d’un véritable contrat de procédure.
Enfin, certaines réformes dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er septembre 2020 ont été reportées au 1er janvier 2021. Ce qui cette fois laisse le temps aux praticiens pour se mettre à jour.
Pour conclure, je dirai qu’avec la réforme de la procédure d’appel en 2017, c’est la réforme la plus importante de la procédure civile depuis 20 ans. Ces réformes confirment une tendance lourde, celle de répondre aux impératifs du management judiciaire en transférant vers l’avocat une charge de travail qui pesait auparavant sur le juge et le greffe. Ce qui est sûr aujourd’hui c’est que cette réforme a pris beaucoup de temps aux avocats, d’abord pour la digérer, ensuite parce que, au final, les nouvelles règles de procédure ont alourdi le travail de l’avocat. Or, en termes de responsabilité civile professionnelle, la complexité procédurale a aussi un coût pour les avocats. On se souvient de l’amère expérience de la réforme de la procédure d’appel en 2017…
Rappel des textes de la réforme de la procédure civile
Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
- Une nouvelle juridiction : le tribunal judiciaire
- Une nouvelle architecture des procédures devant le tribunal judiciaire
- Les nouvelles mentions des actes introductifs de la demande en justice et la communication par voie électronique
- La résolution amiable des différends obligatoire
- L’extension de la représentation obligatoire et de l’acte de constitution
- Les nouveaux pouvoirs du juge de la mise en état et le nouveau régime des fins de non-recevoir
- La mise en état conventionnelle avocat
- La procédure sans audience
- Les nouvelles règles en matière d’exécution provisoire
Décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019 : La procédure accélérée au fond devant les juridictions judiciaires
Décret n°2019-1380 du 17 décembre 2019 : La nouvelle procédure de divorce
Décret n°2020-950 du 30 juillet 2020 : report du 1er janvier 2021 du III de l’article 55 du décret du 11 décembre 2019.