Gérard Mermet, Sociologue français, spécialiste de l’analyse des modes de vie, du changement social, de la consommation, et prospectiviste & directeur-fondateur de Francoscopie, réponds à nos questions sur les tendances sociétales et comportementales. Découvrez son interview.
Vous êtes sociologue, prospectiviste, directeur-fondateur du cabinet de conseil Francoscopie et auteur d’une trentaine d’ouvrages sur la société, l’Europe, la consommation. Vous êtes l’auteur notamment de la série d’ouvrages « Francoscopie » qui est devenu, au fil des éditions, une référence sur l’état de la France et des Français. Son objectif : identifier les tendances à venir, mesurer les évolutions et fournir des comparaisons avec d’autres pays, notamment européens. Le dernier né de la série, « Francoscopie 2030 » s’essaie à une vision prospective de ce que pourrait être la France à l’horizon de l’an 2030, en se basant sur de multiples informations et réflexions sur les changements en cours, possibles ou probables qui vont modifier notre « décor » : environnement, démographie, économie, relations internationales, mentalités.
A cette longue liste de livres, s’ajoute votre tout dernier ouvrage « L’avenir est en nous ! Avant qu’il ne soit trop tard ».
1. Dans ce livre, vous faites l’état des lieux des tendances (mouvements ou ruptures) en cours et à venir. Pourriez-vous nous indiquer les tendances et ruptures majeures que vous avez pu identifier ?
J’observe depuis maintenant plus de deux décennies une véritable inversion, progressive mais sensible, des valeurs sur lesquelles notre société repose. Le sens de la collectivité a disparu au profit de l’individualité, ou de l’appartenance communautaire.
La continuité économique, sociétale ou politique, qui était de mise auparavant, a fait place à la rupture, à l’accident ou aux « cygnes noirs ». Notre société était autrefois « centripète » et tendait à ramener la plupart de ses membres au centre de la « machine »; elle tend aujourd’hui à marginaliser, voire à exclure certains d’entre eux.
La place du travail s’est réduite, quantitativement et qualitativement, au profit de celle des loisirs. La raison a fait place à l’émotion dans les réactions de la population. Le « réel » est désormais remplacé par le « ressenti ». L’argent a pris une place prépondérante par rapport au temps; il est devenu pour beaucoup la matière première de la vie, ou même sa finalité.
Enfin, les crises et les menaces se sont multipliées, nous confrontant à des défis intérieurs et extérieurs difficiles à relever : économique, sociétal, sécuritaire démographique, politique, géopolitique, culturel, moral…
2. Quel diagnostic de la France faites-vous dans ce dernier livre ?
Ces inversions et défis sont à l’origine de l’accroissement des fractures sociales, mais aussi de celui des « factures » économiques (l’économie française se lit aujourd’hui en 3D : Dépenses, Déficits, Dettes). Elles expliquent aussi la multiplication des dysfonctionnements, le déclin (mesurable) du pays, la peur du déclassement et l’attitude de défiance générale.
Face à l’avenir, les Français sont ainsi divisés entre les Mutants, qui parient sur la mondialisation et la technologie, les Mutins qui les rejettent et prônent un moratoire… et les Moutons, qui n’ont pas encore pris position. Ce sont eux qui joueront, je l’espère, un rôle modérateur pour inventer un avenir désirable, ou au moins acceptable pour tous.
3. Quels éléments doivent retenir les communicants pour créer des messages qui inspirent sans ignorer les défis réels ?
Les entreprises vont jouer un rôle essentiel au cours des prochaines années et devront répondre à des demandes élargies : créer des emplois et des richesses ; comprendre l’état du monde et l’expliquer à leurs clients (et à l’ensemble de la population); innover pour faciliter la vie et accroître leurs parts de marchés; se montrer responsables et vertueuses en matière sociétale, économique, environnementale, civilisationnelle. En résumé, être actives, réactives, créatives.
Pour le faire savoir, les communicants devraient, me semble-t-il, prendre le contre-pied des tendances actuelles, qui poussent au pessimisme, à l’individualisme et à l’immobilisme. Avec des punchlines du type :
. Réinventons l’Avenir Ensemble !
. Nous rassembler sans pour autant nous ressembler.
. Nos objectifs : rassurer les Tranquilles, encourager les Agiles, accompagner les Fragiles.
. Notre ambition : réduire à la fois les fractures et les factures.
. Une nouvelle discipline olympique pour 2028 : le sursaut (en hauteur et en longueur).
. Le Sursaut est nécessaire… et possible.
. Notre devise : agir plutôt que mugir.
. Nous travaillons pour les générations futures. Aidez-nous !
. L’avenir est en NOUS ! (souligner « Nous »).
. Notre stratégie : conjuguer le pluriel avec le singulier.
. Avec vous, 1 + 1 peut être très supérieur à 2.
. Ce n’était pas mieux avant !
. Toutes les menaces sont des opportunités.
. Les défis sont faits pour être relevés.
. Notre devise : faire plutôt que défaire.
. Etc…
4. Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce livre ?
Le contexte actuel d’égocentrisme et de défiance à l’égard des autres ne pourra être résolu que si nous mettons en place une forme d’union nationale, de rassemblement autour des valeurs de la République, auxquelles nous devrons ajouter ce que j’appelle des valeurs « post individuelles » : respect écoute empathie bienveillance, partage, sens de l’intérêt général… Cela passe par la recherche de compromis, des débats rationnels, réalistes et responsables, entre des individus de bonne foi, de bonne volonté et de bon sens. Ces vertus devront transparaître dans la communication des entreprises et des institutions, qui devrons donner l’exemple et œuvrer pour le bien commun.
Vous souhaitez en savoir plus sur les tendances et ruptures en cours ?
Retrouvez Gérard Mermet lors de la conférence Tendances Communication qui se tiendra mardi 26 novembre 2024 à Paris qui interviendra lors de la table ronde sur le thème de« Quelles grandes tendances ou évolutions sociétales, comportementales, économiques, politiques et environnementales auront un impact sur vos stratégies de com’ en 2025 ?»