Le projet de réforme de la fonction publique a été présenté fin mars en conseil des ministres. Johan Theuret et Aude Fournier trouvent cette première mouture plutôt technique et insuffisamment novatrice.
Le projet de loi de transformation de la fonction publique, présenté le 27 mars en conseil des ministres, est exposé comme une démarche inédite par laquelle le gouvernement souhaite impulser et accompagner la mue profonde de l’administration. Beaucoup d’observateurs attendaient donc une grande loi de modernisation, certains craignaient même une « disruption » fondamentale.
Au final, sa première mouture s’avère plutôt technique, certes simplificatrice, mais pour l’heure, insuffisamment novatrice et visionnaire. En tant que praticiens RH, activement engagés depuis le début des débats préparatoires, nous espérons que le gouvernement comme les parlementaires élaboreront une loi qui soit empreinte de sens, de bon sens et bien sûr de valeurs.
Vigilance sur les contrats
Plus encore que dans d’autres métiers, le « sens » est au cœur de l’engagement des agents publics. Aussi, l’absence de garde-fous face à l’utilisation des contrats apparaît comme un message de défiance auprès de nombreux fonctionnaires.
Multiplier le recours au contrat pour attirer des compétences – nouvelles et recherchées dans le cadre d’une stratégie de marque employeur plus affirmée – ne doit pas empêcher que le concours reste la règle. Cela doit s’appuyer d’une profonde réforme de son organisation qui lui permettra d’être encore mieux adaptée aux exigences d’égalité d’accès à la fonction publique.
Cela ne pourra non plus se faire sans développer les dispositifs d’encadrement des rémunérations et une prévention renforcée des conflits d’intérêts. Nous sommes également attachés à la création de parcours d’ouverture à des profils plus représentatifs de la diversité de notre société (formations, tutorats, épreuves dédiées, intégration des apprentis et diplômés d’Etat…).
Management des compétences
De nombreuses évolutions nécessaires relèvent en réalité du bon sens dans la mesure où lourdeurs administratives et contraintes juridiques nuisent à l’efficacité et à la qualité du service rendu par nos agents publics.
Si ce texte porte opportunément de réelles mesures simplificatrices – concernant les instances paritaires, la portabilité des CDI, le contrat de projet, la rupture conventionnelle -, elles ne nous permettront pas de passer rapidement de l’actuelle gestion administrative au système de management des compétences dont le service public a besoin.
Fonction publique : le temps de travail s’invite dans la réforme
Il est donc urgent de saisir cette opportunité pour simplifier le licenciement pour insuffisance professionnelle, encadrer le droit de grève pour éviter les grèves perlées, responsabiliser les employeurs en matière de lutte contre la précarité (CDD multiples, temps non complets, vacations)…
Nous sommes bien sûr en forte attente de la commission de toilettage du Code de la fonction publique, telle qu’annoncée par la rapporteure, Emilie Chalas.
Nécessaire concertation
Enfin, si face aux craintes des syndicats de « casse du statut », le projet de loi apparaît plutôt raisonné, plusieurs éléments de fond et de forme sont de nature à heurter les « valeurs » des agents publics. D’abord, la symbolique de la concertation prônée par le gouvernement ressort écornée par la volonté de laisser une large partie de ce projet au champ des ordonnances.
En outre, ce sont des sujets fondamentaux comme la santé, les conditions de travail et la formation qui se retrouvent relégués à plus tard et surtout poussés hors de la concertation, pourtant indispensable à une loi dite de « transformation ».
Nous ne pouvons donc qu’inviter les députés et sénateurs à enrichir ce texte et à ne pas se laisser enfermer dans une vision comptable visant simplement à supprimer des emplois pérennes et à recruter des contractuels. La « transformation » à l’œuvre doit être le témoignage de l’attachement à une fonction publique qui se réforme pour mieux répondre aux besoins des citoyens.
Réformer la fonction publique n’est pas un acte gestionnaire. Dans cet exercice, la confiance est une valeur cardinale que cette loi se doit d’incarner.
Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités et Aude Fournier, vice-présidente