Entrée en vigueur en janvier 2019, la Loi Avenir pose les bases d’une nouvelle approche de la formation professionnelle. Au cœur de cette réforme : le développement des compétences, la responsabilisation des acteurs et une souplesse accrue pour les entreprises et les salariés.
En France, 17 millions de professionnels sont formés chaque année pour un budget de 25 milliards d’euros. Cela représente 36% des actifs environ, un chiffre bien en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE (50%) et de l’Allemagne en particulier (53%). Conscient que ce retard peut être un problème pour la compétitivité des entreprises françaises, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures, regroupées dans la Loi Avenir, visant à moderniser la formation professionnelle.
Retour sur les principaux enjeux de cette réforme avec deux expertes de cette question : Bénédicte Le Deley, alors Secrétaire Générale de l’ANDRH (novembre 2015 – août 2019) et Claire Pascal, Administrateur au sein de la FFP (Fédération de la Formation Professionnelle) et Directrice Générale de Comundi Compétences.
Responsabiliser les acteurs pour mieux former
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- Premier objectif de la Loi Avenir : rendre les acteurs responsables de leur montée en compétences.
« Désormais, chacun doit prendre en main son parcours de formation », explique Claire Pascal, « chacun est responsable de son employabilité ». Les salariés gèrent désormais directement leurs actions de formation, sans plus avoir à passer par les OPCA ou leur employeur. « Le CPF en euros est un dispositif plus souple, adaptable et facilement mobilisable », poursuit Claire Pascal. Le lancement très prochain d’une application mobile dédiée à la gestion du CPF devrait encore davantage contribuer à simplifier la prise en main du dispositif et à renforcer l’autonomie des salariés.
- Il y a également une volonté de responsabiliser financièrement les acteurs en fonction des publics spécifiques, les Régions pour les demandeurs d’emploi et les entreprises et les branches pour les salariés et apprentis, comme le confie Bénédicte Le Deley.
Élargissement de la définition de la formation
Autre avancée notable : la loi Avenir élargit le concept même de formation professionnelle. « La définition devient plus large sous l’influence des nouvelles technologies et de la diversification des méthodes d’apprentissages », commente Claire Pascal. Objectif : rendre éligibles des dispositifs de formation intégrant une dimension digitale et prenant en compte la reconnaissance des acquis professionnels.
Nécessité d’aligner les objectifs individuels et collectifs
La réforme et l’individualisation de la formation professionnelle a aussi des conséquences opérationnelles : entreprises et salariés vont devoir dialoguer pour aligner les objectifs individuels avec les objectifs collectifs. « Les entreprises ont un besoin fondamental de développer les compétences nécessaires à leur compétitivité », précise Bénédicte Le Deley. « Elles vont devoir trouver des solutions pour mobiliser le CPF individuel dans le cadre d’objectifs collectifs ».
Mais comment créer ce dialogue ? Les entreprises peuvent-elles diriger les choix des salariés ? Pour Bénédicte Le Deley : « les entretiens professionnels restent un dispositif central pour présenter le dispositif, l’intégrer dans une perspective collective et accompagner les salariés dans leur montée en compétences ».
Le rapport temps de travail / temps de formation
Autre point important pour les salariés et leur entreprise, aux termes de la loi Avenir, la formation professionnelle doit désormais se dérouler hors temps de travail. Difficile pour autant, en pratique, d’imaginer une étanchéité totale avec l’entreprise. Pour Claire Pascal : « il y a des accords à trouver pour organiser le temps de la formation entre entreprises et salariés ».
Abonnement des entreprises
Le dialogue entreprises / salariés sera également indispensable afin de maintenir les entreprises dans une perspective d’investissement pour la formation. « Le passage de 36% à 50% des actifs formés chaque année ne pourra se faire que grâce à un investissement massif », commente Claire Pascal. « Aussi nous réfléchissons au sein de la FFP à la création d’un label compétences pour les entreprises qui continuent à investir pour le développement des compétences des salariés ». Et ainsi d’inciter les organisations à continuer à financer des dispositifs de formations pour leurs salariés plutôt que de leur en laisser l’entière responsabilité.
Un accompagnement nécessaire
Selon Bénédicte Le Deley, pour réussir, cette réforme nécessite un accompagnement des personnes qui entrent en formation. Les dispositifs sont nouveaux et les différents publics doivent les comprendre et se les approprier. « L’enjeu c’est de réenchanter la formation pour tout le monde. L’accompagnement est indispensable. Les salariés et demandeurs d’emploi doivent se sentir soutenus et sécurisés dans leur capacité à fournir les efforts nécessaires à une formation ».
Développer l’apprentissage
Dernière ambition de la loi Avenir : favoriser l’apprentissage. « L’apprentissage est un facteur de réussite dans l’insertion professionnelle », commente Claire Pascal. « Il y a une ambition d’en faire une filière d’excellence ! », renchérit Bénédicte Le Deley à propos de la loi Avenir. Un certain nombre de freins, sur les conditions d’accès et de mise en place de l’apprentissage notamment, ont ainsi été assouplis. Par ailleurs, un apprenti n’est pas un salarié ordinaire. Il faut lui porter beaucoup d’attention mais aussi valoriser et professionnaliser les tuteurs. « La réussite d’un apprentissage n’est pas qu’une histoire financière », conclut Claire Pascal, « la clé repose sur l’investissement de l’entreprise dans la réussite de son apprenti ».