Le télétravail a été généralisé pendant de longs mois. Qu’en restera-t-il ? Les salariés souhaitent moins de présence au bureau. Les organisations sont face à la nécessité de recréer du lien.
Après des mois de télétravail imposé, la sortie de crise se profile enfin dans les entreprises. Dès le 9 juin prochain, les employeurs auront de nouveau la possibilité de faire revenir progressivement leurs troupes sur site. A quel rythme et dans quelles conditions ? La réponse est loin d’être évidente.
36 % des salariés préféreraient se rendre tous les jours sur leur lieu de travail, selon une enquête réalisée mi-avril auprès de 1.000 Français par la plateforme de data Dynata. A l’inverse, 27,4 % des personnes interrogées privilégieraient le travail à distance afin de pouvoir travailler d’où elles le souhaitent.
Entre les deux, il y a tous ceux (36,6 %) qui plébiscitent une solution hybride permettant d’alterner présence dans l’entreprise et travail à distance. « C’est le modèle qui me semble avoir le plus d’avenir », témoigne Elisabeth Pélegrin-Genel, architecte DPLG, urbaniste et psychologue du travail. « Beaucoup de gens ont en effet envie de retrouver une ambiance de travail efficace et conviviale, sans être forcément prêts à reprendre les transports en commun tous les jours. »
Deux à trois jours de télétravail
Chez Simplebo, spécialiste de la création de sites Internet pour les TPE-PME, l’affaire est entendue : dès la fin de la crise, ce sera un jour de travail à distance par semaine pour les volontaires, pas plus. « Je ne crois pas à un modèle de 100 % télétravail dans la durée », explique son CEO Alexandre Bonetti. « Nos salariés ont besoin de se retrouver. Certains se sont sentis très seuls au cours des mois écoulés. Nos jeunes managers, peu expérimentés, ont parfois eu du mal à piloter leurs équipes à distance. Et puis, je suis convaincu que c’est dans les échanges informels et la convivialité qu’on peut innover. »
La qualité de vie au travail, prérequis du « smart working »
Et la distanciation sociale dans tout ça ? L’entreprise emploie 67 personnes. « Aucun souci, assure Alexandre Bonetti. Nous avons toujours eu l’habitude de prendre de grands locaux. Vu que nous avons recruté 30 personnes en un an et que nous sommes toujours en phase de croissance, nous prévoyons de déménager d’ici à la fin de l’année pour permettre à tout le monde de se voir en même temps. »
Organiser le retour au bureau dans le dialogue, plutôt que d’imposer un schéma venu d’en haut, c’est le choix de la société Claranet qui accompagne les entreprises dans leur transformation digitale. « Nous avons lancé un sondage auprès de nos 670 salariés pour connaître leurs aspirations », rapporte la DRH Bérengère Benon. « Alors qu’avant la crise seulement 30 % de nos effectifs pratiquaient un ou deux jours de télétravail par semaine, ils sont désormais près des trois quarts à vouloir travailler à distance deux, voire trois jours, par semaine notamment à Paris. »
Des bureaux plus conviviaux
D’où l’idée d’adopter une organisation du travail plus souple. « Notre objectif est d’instaurer une clause qui permette à chacun de télétravailler entre un et quatre jours par semaine, selon le principe du consentement mutuel et de la réversibilité. » Les demandes de « full télétravail », qui devraient augmenter fortement au sortir du confinement, seront quant à elles étudiées au cas par cas et formalisées par un avenant contractuel.
La psychologue du travail Elisabeth Pélegrin-Genel reste prudente. « Gare à ce que les collaborateurs ne perdent pas une certaine familiarité à se côtoyer. Si les gens se retrouvent à travailler seul dans leur coin, ils ne verront aucun intérêt à revenir au bureau. » C’est ce qui a poussé Claranet à chercher de nouveaux locaux pour cet été. Fini les rangées de bureaux individuels dans de grands open spaces . « Après la crise sanitaire, nous aurons surtout besoin de salles de réunion et d’espaces créatifs pour encourager l’innovation et les échanges tant au sein des services qu’entre les services », explique la DRH.
Télétravail : comment les organisations cherchent leur nouvel équilibre
Faire des ponts, effacer les murs… C’est justement l’une des vertus de Bridge, le nouveau siège d’Orange à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le bâtiment de 56.000 m2, inauguré en juin en bordure de Seine, est entièrement pensé à l’horizontale. « Bridge a été lancé avant la pandémie mais il a été tellement bien conçu qu’il répond parfaitement aux nouveaux besoins, tant en termes de densité que d’usage », se félicite Gervais Pellissier, directeur des ressources humaines et de la transformation au sein d’Orange.
Salle de fitness, conciergerie, terrasses connectées, bulles de travail, tout est fait pour que les 3.000 collaborateurs attendus s’y sentent mieux qu’à la maison. « Contrairement à une tour, les grands plateaux offriront la possibilité à chacun de croiser plusieurs collègues par jour. Ce sont principalement ces interactions formelles et informelles que vont rechercher nos collaborateurs en revenant au bureau », assure Gervais Pellissier.
Par Mathilde Riaud