Le secteur public connaît, depuis plus de 20 ans, de profondes mutations. Réduction des dépenses, digitalisation, réorganisation des services, évolution rapide des métiers, nouvelles demandes des usagers… Au cœur de ces transformations : les politiques Ressources Humaines. Alors, quels leviers est-il possible d’actionner pour gagner en agilité dans la gestion des personnels ?
Le temps de travail
Aujourd’hui, les usagers demandent de plus en plus de flexibilité horaire aux services publics. Comment faire dès lors pour aménager le temps de travail des personnels tout en conservant un service public de qualité et facilement accessible ?
« C’est un sujet délicat dans les collectivités locales », poursuit Pascale Cros, Directrice générale adjointe de la ville d’Anthony. Dans de nombreux cas, le personnel se trouve en dessous de la durée légale du temps de travail. « C’est toujours une difficulté de revenir sur des acquis. Pour y parvenir, il est nécessaire d’offrir des contreparties en termes d’aménagement, d’organisation du temps de travail, de flexibilité comme la mise en place du télétravail ou dans d’autres domaines comme les mutuelles ou la qualité de vie », poursuit Pascale Cros.
« Dans les hôpitaux au contraire », explique Julie Delalonde, Directrice Adjointe au CHU de Nîmes, « la durée du temps de travail est un levier, déjà activé. Notre marge de manœuvre porte davantage sur le réaménagement des cycles de travail ». Un arrangement gagnant-gagnant qui permet d’un côté de répondre aux besoins des usagers et, de l’autre, de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
La rémunération
La rémunération est un autre levier possible pour développer l’agilité des équipes. Mais quelles sont les marges de manœuvre dans un secteur public inscrit dans une logique de réduction des dépenses ?
« Le moins que l’on puisse dire, c’est que les marges de manœuvre sont limitées ! », souligne Arnaud Martin, haut fonctionnaire de défense et de sécurité des ministères sociaux.
« La démarche de rémunération à la performance rencontre encore des blocages psychologiques très forts. Difficile aussi de ne pas tomber aussi dans l’usine à gaz », poursuit-il. « Surtout sans gaz ! », s’amuse Denis François, sous-directeur de la formation et des concours du Ministère des affaires étrangères.
La mobilité
La mobilité des personnels, entre territoires mais aussi entre services, est une autre façon de gérer la fonction publique avec agilité. Mais ce levier est-il aujourd’hui efficace ?
« Au sein des Affaires étrangères, la question est un peu particulière », explique Denis François. « La mobilité fait partie de notre ADN ! ». Pour accompagner cette mobilité, la formation s’impose comme un élément incontournable. « Elle permet faire évoluer les cultures et de s’adapter en permanence aux évolutions des métiers », complète Arnaud Martin.
La mobilité peut aussi parfois correspondre à une problématique de reclassement. « Nous avons des agents, notamment dans l’aide à la petite enfance ou les services techniques, qui se blessent et deviennent inaptes sur leur métier d’origine », explique Pascale Cros. « Nous avons mis en place une politique volontariste de maintien dans l’emploi avec un accompagnement fort permettant une reconversion au sein d’autres services », développe Pascale Cros.
La formation
Autre levier pour gagner en agilité : former les personnels pour acquérir de nouvelles compétences ou gagner en responsabilités ?
« Aujourd’hui, un agent qui rentre dans la fonction publique n’occupera pas le même métier tout au long de sa carrière », souligne ainsi Pascale Cros. « Il est donc essentiel d’instaurer un dialogue entre les agents et les cadres afin d’identifier les talents et de proposer un parcours de carrière et de formation individualisée », poursuit-elle.
Les managers doivent donc avoir la capacité à reconnaître les compétences pour faire évoluer les agents. « Cet aspect est désormais pris en compte dans l’évaluation des managers », complète Arnaud Martin.
Le Ministère de la Défense a également structuré sa politique de formation autour de cette idée. « Nous avons développé le concept de « portefeuille de compétences » qui permet d’identifier les compétences sur lesquelles il sera possible de s’appuyer pour faire progresser une carrière », explique Arnaud Martin.
Le recrutement
Autre levier de la performance des politiques RH publiques : le recrutement. Comment faire pour attirer de nouveaux talents dans le service public ?
Pour Julie Delalonde, en termes de marque employeur, il faut aujourd’hui chercher à aller plus loin que la simple image. « Pour travailler sa marque employeur, il faut adresser des questions de fond : RSE, mobilité, QVT… ».
Autre constat : l’intérêt général reste un levier d’attraction fort. « Servir dans la fonction publique a encore du sens pour les gens, notamment pour les plus jeunes », constate Pascale Cros.
Ce qui évolue en revanche, ce sont les profils recherchés. « Nous n’avons pas besoin que de têtes bien faites, il faut aussi des candidats avec de fortes capacités au management », constate Arnaud Martin. « Les jurys doivent identifier les recrues à potentiel sur ces questions », poursuit Denis François.
En conclusion Julie Delalonde insiste à nouveau sur un point essentiel sur lequel tous se retrouvent :
« pour gagner en agilité, l’accompagnement du manager dans l’évolution de son rôle est crucial. Plus que jamais, il est la clef de voûte des organisations publiques ».