Comment bousculer les pratiques en vigueur pour se remettre en cause et utiliser l’innovation managériale pour bouger les lignes de la performance.
Par Thierry Picq, professeur à emlyon business school et auteur de plusieurs ouvrages de management.
Née dans un garage, en 1996, cette aventure entrepreneuriale débute en mode start-up : pas de process, pas de hiérarchie, beaucoup de liberté et d’initiatives avec des modes d’ajustements informels, par dialogue direct.
En dix ans de croissance, LDLC se structure, presque insidieusement et adopte, peu à peu, les marqueurs de la grande entreprise : embauche de managers confirmés, mise en place d’une ligne hiérarchique, d’outils de contrôle et de reporting pour piloter et décider, selon une logique « top-down ».
Mais, en 2018, Laurent de la Clergerie, le patron fondateur, réalise que cette structuration a produit une entreprise sclérosée, cloisonnée et déshumanisée. Et que les salariés sont en perte de confiance, d’autonomie et d’engagement. Le dialogue social s’est tendu et le dirigeant a perdu le contact avec son entreprise. Ce qu’est devenu LDLC ne lui ressemble plus.
Une transformation, trois orientations
Mais est-il temps de prendre le risque de remettre à plat la structure et l’organisation du travail pour replacer l’humain en leur centre ? Assurément pour le dirigeant qui a transformé radicalement le modèle managérial autour de trois actions : d’abord, rétablir le contact avec ses équipes, puis redonner de l’autonomie à tous les niveaux et, enfin, faire du bien-être des collaborateurs le facteur clé de la performance de l’entreprise.
Rencontres directes avec toutes les équipes, transparence, formation des managers à de nouvelles postures… Des mesures très concrètes et disruptives soutiennent cette philosophie. Sans compter d’autres, plus inattendues, comme la suppression du comité exécutif (comex), de la direction des ressources humaines (DRH), des réunions formelles et des primes pour les commerciaux afin de favoriser l’engagement collectif. Enfin, un siège social flambant neuf matérialise la priorité accordée au bien-être des collaborateurs.
En 2021, suscitant l’intérêt des médias, LDLC devient la première grande entreprise française à mettre en place, volontairement et sans aides de l’Etat, la semaine de 32 heures réparties sur quatre jours , sans baisse de salaire et sans embauches supplémentaires. A quoi s’ajoute, depuis peu, un congé post-natal rémunéré de 20 semaines pour ses salariés hommes et femmes.
Un rôle militant actif
Laurent de la Clergerie utilise l’innovation managériale de façon offensive et traduit ainsi ses valeurs et convictions humanistes par des actions à fort impact. Les sujets liés au bien-être se posent en vecteur de la performance durable de l’entreprise. Il milite ainsi activement à promouvoir la semaine de quatre jours et de nouvelles pratiques managériales. Et ça marche : les résultats économiques de l’entreprise ont augmenté à effectifs égaux. L’absentéisme a baissé. Les enquêtes internes ont démontré une hausse de la productivité et de l’engagement, mais aussi un surcroît de créativité, une meilleure égalité hommes-femmes et un dialogue social apaisé.
Mais l’ambition du dirigeant va au-delà de LDLC. Son objectif, dit-il, « n’est pas seulement de changer ma société mais la société, pas seulement changer la vie au travail mais la vie tout court des collaborateurs ».
Si l’exemple de LDLC n’est pas un modèle à copier-coller, il est inspirant. Il laisse entrevoir la possibilité que nous avons de faire bouger nos représentations de la performance, des leviers pour l’atteindre, de l’organisation du travail, du rôle de l’entreprise dans la société et de la posture d’un dirigeant.
Si vous avez foi en votre entreprise, en vos équipes et en vous-même, rien n’est impossible.
En bref LDLC, spécialiste français de la vente en ligne et en boutique de matériel informatique, comptabilise un chiffre d’affaires de 685 millions d’euros pour l’exercice 2021-22 et plus de 1.000 collaborateurs. |
Cette chronique est inspirée du premier épisode de la série de podcasts « Ombre et Lumière » proposé par Alliance & Territoire.
Par Thierry Picq, professeur à emlyon business school et auteur de plusieurs ouvrages de management.