L’examen du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a débuté ce mardi en commission à l’Assemblée. Le maintien, finalement, des 600 millions d’exonérations de taxe d’apprentissage sur certains secteurs remet en cause en partie la mise en place d’une contribution unique des entreprises, le cœur de la réforme.
L’examen en commission à l’Assemblée nationale, qui a débuté mardi après-midi, du projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » , va donner lieu à un revirement important de la part du gouvernement, mais passé inaperçu car il se niche au sein des centaines d’amendements déposés.
Et quel revirement puisqu’il porte sur l’un des articles clefs – l’article 17 en l’occurrence – du texte porté par Muriel Pénicaud, celui réformant le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. « C’est le bazar. On le sentait venir depuis quelques jours », témoigne un juriste spécialisé.
Tout est apparu avec la mise en ligne juste avant le début de la discussion en commission des Affaires sociales d’un amendement du gouvernement réécrivant complètement l’article en question avant qu’il ne soit… retiré (pour des raisons de doublon car Catherine Fabre, la rapporteure de la majorité, va déposer le même).
Cet amendement rétablit ni plus ni moins une séparation nette entre taxe d’apprentissage d’un côté, contribution formation professionnelle de l’autre (avec à la clef deux seuils d’effectifs et non plus trois comme visé), mettant à mal le principe clef de la réforme d’une contribution désormais unique des employeurs.
Rétropédalage
Dans son exposé sommaire accompagnant l’amendement, le gouvernement s’en défend, expliquant que cette contribution unique était maintenue « avec deux régimes de financement distincts ».
L’argument ? A l’arrivée, tout cet argent serait bien collecté par les Urssaf et irait dans une seule poche – celle de la future agence nationale France compétences – qui servirait de gare de triage entre les différents dispositifs/bénéficiaires : alternance, compte personnel de formation, TPE/PME, régions…
C’est pourtant un rétropédalage en règle qui s’est joué en coulisses ces dernières semaines car l’instauration d’une contribution unique allait de pair avec la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage dont bénéficient certaines entreprises (secteur associatif et agricole, TPE dont la masse salariale est inférieure à 6 SMIC ayant au moins un apprenti, Alsace-Moselle…).
Seulement voilà, conséquence d’un intense lobbying des intéressés mécontents de voir leurs charges augmenter, l’exécutif a décidé de maintenir les exonérations rendant, du coup, inconstitutionnelle l’instauration d’une contribution unique !
Une erreur de timing
L’amendement contraint en tout cas le ministère du Travail à avaler des couleuvres. Toujours dans l’exposé sommaire, on peut lire en effet que la mise en place d’une contribution unique avait fait apparaître des « effets induits non souhaités » sous forme « d’augmentation significative de l’obligation de financement pour certains employeurs jusque-là exemptés », induisant un régime transitoire « peu lisible ». Autant d’éléments pourtant connus dès le départ, que le Conseil d’Etat, dans son avis, n’avait pas manqué de soulever en partie…
Les réactions ne se sont pas fait attendre. « J’ai l’impression d’avoir affaire à des apprentis sorciers », a lâché le dirigeant d’un grand organisme impliqué dans la formation professionnelle. « La contribution reste unique dans sa gestion, mais plus dans son assiette. A l’arrivée il ne manquera pas un euro, même si sera moins simple pour les Urssaf », assure-t-on de source proche du ministère du Travail.
Alain Ruello