Skype, Zoom, Teams, Whatsapp, soft phones et autres messageries internes, c’est un tsunami d’outils numériques qui déferlent dans le quotidien des managers depuis la crise sanitaire et l’avènement du travail hybride.
La pression sur les managers n’est pas nouvelle. Depuis longtemps, ils sont sous l’injonction de « performer », de se transformer pour répondre aux exigences des clients, d’innover, de rester compétitifs dans un monde complexe et changeant, tout en gardant les collaborateurs engagés et si possible heureux au travail.
Si les outils ne manquent pas pour les aider dans leurs tâches, ces derniers deviennent parfois une source de stress voire de contre-performance.
1. Réunionite : « Désolé, j’enchaîne »
Décliner une « invitation » (doux euphémisme pour « convocation ») à une réunion reste tabou puisque les outils digitaux permettent de se connecter partout et tout le temps. « Désolé, j’enchaîne », entend-on, le plus souvent, dans le milieu du travail.
L’inflation du nombre d’« invités » aux rencontres virtuelles n’étonne plus, « puisque les outils le permettent ». Des dizaines de personnes – en organisation hybride, présentes sur site ou à distance – se rassemblent ainsi, chacune faisant tout à fait autre chose par ailleurs (paresse sociale oblige) et induisant une productivité tout à fait questionnable.
Dans un sursaut de lucidité, certains managers tentent de soigner la « réunionite » aiguë grâce aux « réuniologues », des experts en général non dénués d’humour dont les livres et coordonnées s’échangent y compris dans les comités exécutifs (comex) et comités de direction (codir).
2. Jongler avec les «pastilles»
Les notifications en tout genre que génèrent les outils de messagerie s’ajoutent aux autres interruptions dans le travail, obligeant chacun à travailler plus rapidement. Les études attestent d’une hausse significative du stress, de la frustration, de la pression et de l’effort dès que l’on dépasse les 20 minutes d’interruption dans le travail.
Pour limiter les coûteuses interruptions – souvent urgentes mais pas toujours importantes -, les managers se créent des « zones blanches » (étanches aux notifications) afin d’avancer le travail de fond. Pour cela, jongler avec les « pastilles » vertes, rouges ou « sens interdit » sur les outils collaboratifs est indispensable, et tant pis pour le pic d’angoisse au moment de rouvrir les messageries.
3. Des « déambulations » en extérieur
Par ailleurs, si les outils digitaux facilitent la collaboration entre les personnes et permettent, par exemple, un meilleur partage de l’information, la créativité bat de l’aile dès lors que les équipes les utilisent , selon une étude de Melanie S. Brucks de la Columbia Business School et Jonathan Levav de la Stanford Graduate School of Business. Les idées sont moins nombreuses et de moins bonne qualité à distance, ce qui cause des dommages à l’entreprise, notamment en termes de création de valeur.
Afin de favoriser la créativité et les échanges, certains managers organisent des « déambulations » en extérieur avec leurs équipes. Ces promenades donnent l’espace et le temps nécessaires au déploiement de véritables conversations et à une communication « complète », y compris non verbale.
4. Enjeu de performance et de santé
Daniel Kahneman , prix Nobel d’économie 2002, indique que l’on pense avec son corps, et pas seulement avec son cerveau (« You think with your body, not with your brain »). Elon Musk, lui-même, a cru bon de rappeler ses équipes au bureau en exigeant une présence physique au moins 40 heures par semaine.
Difficile d’échapper à une mise au point avec les équipes sur la juste place des outils digitaux. Mal ou trop utilisés, ils font souffrir, voire génèrent des conditions de contreperformances.
Toute la difficulté réside dans la cohérence des règles en vigueur dans l’ensemble de l’organisation, jusqu’à son plus haut niveau.
Le salut viendra sans doute des nouvelles générations, habiles avec le digital, et moins enclines à s’engager corps et âme dans des vies professionnelles trop chronophages. C’est un enjeu de performance et de santé pour chacun.
Par Marine Balansard