Addictions : les conseils pour agir en entreprise

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Interview d'Anne Courvasier, Assistante sociale du travail et Consultante RPS, Atalience.

Elle anime la formation Prévenir les addictions et accompagner les salariés en difficulté.

Quels sont les différents types d'addictions ?

Les  addictions concernent à la fois les consommations de produits psychotropes (cannabis, cocaïne, ecstasy... mais aussi alcool, tabac et certains médicaments) et des dépendances comportementales (c'est-à-dire sans substances psycho actives : jeux de hasard et d'argent, internet et réseaux sociaux, achats compulsifs, boulimie ou anorexie, sexe, travail...).

Le mot « addiction » désigne la dépendance d'une personne à une substance ou à une activité génératrice de plaisir, avec les deux paramètres suivants :

  • la personne n'arrive pas à limiter sa consommation, même en ayant conscience d'effets négatifs,
  • la consommation est au centre de l'existence de la personne (plus rien ne compte en dehors, elle ne pense qu'au produit, au jeu, au comportement et cela accapare ses pensées).

En quoi les addictions peuvent-elles avoir des répercussions sur le monde du travail ?

Pour l'entreprise, les risques liés aux addictions se traduisent notamment par :

  • des erreurs, des malfaçons,
  • des pertes financières,
  • de l'absentéisme,
  • des arrêts et des accidents de travail,
  • une dégradation de l'ambiance de travail,
  • des violences verbales, des passages à l'acte,
  • des risques juridiques,
  • une mauvaise image de l'entreprise...

Quelques chiffres :

  • L'ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) estime que la consommation d'alcool, de cannabis et de médicaments psychotropes est à l'origine de 15 à 20% des accidents professionnels, et d'autant d'absentéisme ou d'incidents (agressivité, violences, fautes professionnelles...).

  • Les coûts cachés* de ces consommations représenteraient pour l'entreprise 1.25% de la masse salariale.
    *exemples de coûts cachés : absentéisme, sous-productivité, défauts de qualité, mais aussi les dysfonctionnements tels que les pannes de machine, les ruptures de stocks, les accidents.

  • Selon une étude publiée par Olfeo le 29 mars 2013, l'utilisation personnelle d'Internet au travail coûterait 26 jours par an à l'entreprise (1h30 par jour).

Les sites d'actualités et de météo, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, MSN...), les achats en ligne (leboncoin, ebay...), les divertissements  (Dailymotion, TF1, Youtube...) sont très fréquentés à des fins personnelles.

A partir de quand considérer qu'un salarié souffre d'une addiction ? A quels signaux faut-il être attentif ?

Que vous soyez chef d'entreprise, responsable des ressources humaines, chef de service, médecin du travail, psychologue du travail, collègue ou ami, l'important n'est pas de poser un diagnostic mais d'observer des changements préoccupants :

  • des troubles du comportement, de l'humeur,
  • des difficultés de concentration, de mémoire,
  • une tendance à l'isolement,
  • des signes de dépression,
  • un manque d'hygiène, de soin,
  • des retards ou des absences répétés,
  • des erreurs, des réponses inappropriées,
  • un accident de travail...


Tous ces signes n'indiquent pas systématiquement un comportement addictif, néanmoins ils peuvent refléter des difficultés, une souffrance, et doivent alerter.

A quelles difficultés peuvent se heurter les professionnels de la santé au travail, les RH et les managers face à des salariés fragilisés par une addiction ?

Le déni est la difficulté majeure à laquelle sont confrontés ceux qui tentent d'aborder le problème : La personne dépendante va refuser de reconnaitre l'existence d'une dépendance (« je bois comme tout le monde », « ce n'est pas moi qui ai un problème, regardez plutôt Monsieur T »...). Et finalement, parler d'addiction devient difficile, voire impossible.

Si vous aviez 3 conseils à leur donner, lesquels seraient-ils ?

Voici trois conseils essentiels :

1- Ne pas chercher à poser un diagnostic, ne pas essayer de faire « avouer » la personne : le diagnostic relève d'un bilan médical, effectué par un professionnel soignant.

2- Le sujet ne doit pas être tabou, car faire semblant de ne rien voir est contreproductif (on dit qu'en entreprise, l'alcoolique, c'est celui dont on parle mais à qui on ne parle plus). Aborder le sujet montre à la personne qu'on la respecte et que l'on s'inquiète pour elle. On peut lui présenter les faits que l'on a observés (réponses agressives à la clientèle,  saisies erronées répétées, odeurs corporelles...), sans porter de jugement.

3-Orienter les salariés concernés vers le soin. Le service médical peut venir en aide aux personnes présentant des signes de dépendance et les accompagner vers un suivi médical approprié. Et si, finalement, le salarié ne présente pas d'addiction, les difficultés relevées auront été abordées... Il peut en effet s'agir d'une toute autre pathologie, qui n'avait pas été décelée jusqu'ici et qui pourra être traitée correctement, ou d'un mal-être qui aura été entendu

03/09/13

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